15/06/2007

Malaise

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Crise de confiance à la rédaction de France 2
LE MONDE | 13.06.07 | 16h45 • Mis à jour le 13.06.07 | 16h45


C'est le malaise à la rédaction de France 2. Alors que les audiences du journal de 20 heures sont au plus bas (19,3 % de parts de marché en moyenne contre 39,4 % à TF1 pour la première semaine de juin), la Société des journalistes (SDJ) de la chaîne publique a rédigé un document de six pages intitulé "Urgences" qu'elle a remis, jeudi 7 juin, à la direction de l'information. "Audience en berne, démotivation, climat tendu : chacun est prêt à reconnaître le malaise qui règne à la rédaction de France 2", écrit la SDJ qui, ces dernières semaines, a rencontré de nombreux journalistes de la rédaction "pour dresser une liste non exhaustive des problèmes urgents à régler". S'appuyant sur ces témoignages d'une rédaction "usée, fatiguée et qui aspire, enfin, à des changements concrets", la SDJ dresse un "constat sévère".



La chaîne répond aux attaques de Ségolène Royal

Lundi 11 juin, invitée en direct au "JT" de 20 heures de France 2, Ségolène Royal a mis en cause "l'impartialité" de la chaîne publique après la diffusion d'un reportage sur l'élection législative dans la circonscription de Bordeaux, où le nom d'Alain Juppé, candidat de l'UMP, était cité à plusieurs reprises, alors que celui de la candidate socialiste n'avait pas été mentionné. Arlette Chabot, directrice de l'information de France 2, lui a répondu mardi 12 juin en estimant que le traitement du sujet était "irréprochable" et "respectait l'égalité des candidats". "Lorsqu'une personnalité nationale est en compétition, on s'intéresse d'abord à cette personnalité-là, même si on donne aussi la parole à ses adversaires." Dans une lettre ouverte à Mme Royal, la Société des journalistes de la chaîne qualifie ses propos "d'attaque insultante". "Même si la critique des médias devient une technique politique (...) la SDJ de France 2 s'est toujours défendue lorsqu'elle s'estime victime d'attaques injustes", est-il écrit.
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"Notre journal correspond-il vraiment aux attentes des téléspectateurs ?", a demandé la SDJ aux rédacteurs. Les réponses sont négatives. Selon les témoignages recueillis, les journalistes estiment que "les sujets essentiels ne sont plus traités dans les journaux" et regrettent "le manque de repères éditoriaux clairs", qui fait "perdre l'identité de la rédaction et celle des téléspectateurs". Réclamant le retour de dossiers et de sujets "plus longs", la plupart des journalistes s'interrogent : "Comment réaliser un journal riche, réactif, tout en donnant les clefs de compréhension d'une société en mouvement ?"

"CHUTE IMPRESSIONNANTE"

Pour expliquer la "chute impressionnante" d'audience du 20 heures, la direction avance, depuis plusieurs semaines, que la concurrence est de plus en plus rude sur ce créneau horaire (notamment "Le Grand Journal" de Canal+) et que les émissions qui précèdent le JT ne sont plus des "locomotives". De leur côté, les journalistes estiment que les éditions "manquent de souffle, de cohérence et de pertinence. Nous voulons témoigner, valoriser : nous n'arrivons parfois qu'à embrouiller, à copier, à caricaturer". "Nous ne faisons pas le journal de TF1 et non plus celui du service public", constate Jacques Cardoze, président de la SDJ. "Quitte à faire moins d'audience, faisons un vrai journal qui correspond aux vraies valeurs du service public et dont on soit fiers."

Dans leurs réponses au questionnaire, les journalistes critiquent aussi sévèrement l'organisation de la rédaction, qui ne laisse "aucune marge de manoeuvre". Ils estiment "impératif" que le présentateur et les rédacteurs en chef "acceptent de faire le journal de la rédaction". Chaque service de la rédaction - à l'exception de la culture - s'inquiète "du manque d'appétit" des éditions du JT. "Nous ne voulons voir de l'étranger que la guerre ou l'insolite", regrette un journaliste de l'international en soulignant que, paradoxalement, TF1 n'hésite pas à diffuser de longs sujets sur la Tchétchénie ou le Darfour.

"La SDJ a entamé cette consultation collective dans un esprit constructif. Ce recueil n'a d'intérêt que s'il est pris en considération par chacun d'entre nous. Nous demandons à la direction de l'information d'apporter des réponses à la crise de confiance que traverse notre rédaction et de ne pas se contenter d'un traditionnel jeu de chaises musicales", conclut le bureau de la SDJ qui souligne les rapports conflictuels entre les journalistes et Arlette Chabot, la directrice de l'information. Un dialogue qui, selon eux, "demeure difficile et parfois même brutal".

"J'ai déjà entendu cela, c'est un grand classique", indique, au Monde, Mme Chabot. "Le rapport de la SDJ est un cahier de doléances dans lequel il y a des appréciations qui ne sont pas fausses mais souvent contradictoires. Il est normal que tout le monde s'interroge. Nous allons en discuter dès que la période électorale sera terminée." Un séminaire de la rédaction est d'ores et déjà prévu pour la fin du mois de juin afin de préparer une réorganisation de la rédaction.
Daniel Psenny

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