13/06/2007

Peines planchers

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L'inefficacité des peines planchers
LEMONDE.FR | 13.06.07 | 11h08


Les criminologues contestent l'effet dissuasif des peines minimales, pourtant vanté par de nombreux responsables politiques dans le monde.

Dans une note de synthèse publiée le 9 juin, le chercheur grenoblois Sebastian Roché résume ainsi les études disponibles en Europe et en Amérique du Nord : "Elles nous montrent que les politiques favorisant un recours à des punitions plus importantes ne garantissent ni une diminution de la délinquance ni une moindre récidive de la part des individus concernés." Plusieurs études montrent même "un effet inverse à celui recherché en matière de récidive".



L'abaissement de l'âge de la majorité pénale et les peines planchers ont été mis en place dans les pays anglo-saxons depuis une trentaine d'années. Au Canada, "l'avenir de ces peines est incertain", a conclu un rapport réalisé en septembre 2005 par Julian V. Roberts pour le ministère fédéral de la justice : "Il semblerait qu'elles ne soient pas un outil efficace en matière de détermination de la peine, c'est-à-dire qu'elles gênent le pouvoir judiciaire discrétionnaire sans offrir de meilleurs résultats quant à la prévention du crime." Plus de la moitié des juges, constate l'auteur, "ont le sentiment que les peines minimales affectent leur capacité d'imposer une peine juste". Pourtant, "les peines obligatoires sont encore populaires auprès de certains politiciens canadiens".

Explosion carcérale Aux Etats-Unis, elles sont remises en question sous la pression des juges et de mouvements de défense des droits. Les peines automatiques, combinées au plaider-coupable, ont entraîné une forte et coûteuse explosion carcérale (380000 détenus en 1975, plus de 2 millions en 2005), avec des résultats mitigés. "Ainsi, treize Etats n'ont plus recours à l'incarcération automatique pour les délits liés à la drogue et préfèrent les programmes de traitement", souligne M. Roché. La Cour suprême a redonné aux juges, en 2005, la faculté de déroger au caractère contraignant dessentencing guidelines. Pour les récidivistes, le système a aussi montré ses excès. En Californie, le "three strikes and you're out" (trois coups et c'est fini) imposant la perpétuité au troisième acte délinquant quel qu'il soit a conduit des voleurs de gâteaux secs à la prison à vie.

Quant aux mineurs, plusieurs études menées dans les Etats de New York, de l'Idaho, du New Jersey ou de Floride ont montré que la menace de sanctions plus sévères ne jouait pas sur les niveaux de délinquance violente.

En Floride, Donna Bishop a montré, à partir d'un échantillon de 2 700 mineurs, que ceux qui avaient été jugés comme des adultes avaient même plus de probabilités de commettre un nouveau délit. "Le traitement des jeunes comme des adultes, en réalité, accroît la récidive", conclut-elle.
Nathalie Guibert

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