La nomination d'André Santini enterre la jurisprudence Bérégovoy-Balladur sur les ministres mis en examen
PARIS (AP) - La nomination mardi au gouvernement d'André Santini, mis en examen depuis l'été 2006 dans une affaire de scandale financier autour d'une fondation d'art contemporain, enterre de facto la jurisprudence Bérégovoy-Balladur selon laquelle tout politique soupçonné par la justice ne peut être ministre.
"La règle fixée par le Premier ministre est la règle du suffrage universel", indiquait-on mardi à Matignon. André Santini a été réélu dimanche député de la 10e circonscription des Hauts-de-Seine.
"J'attends simplement un non-lieu, et autrement, je prendrai les décisions qui s'imposent", a déclaré l'intéressé sur RTL. A la question de savoir s'il n'y avait pas une "incompatibilité" entre sa nouvelle fonction et l'affaire en question, le député-maire d'Issy-les-Moulineaux a répondu: "je ne crois pas".
Inventée lors de la démission de Bernard Tapie en 1992, la jurisprudence Bérégovoy-Balladur est une règle non écrite qui veut que tout ministre mis en examen démissionne. Elle a été appliquée sous le gouvernement Balladur à Michel Roussin, Gérard Longuet -relaxé par la suite dans le dossier qui l'avait contraint à démissionner- et Alain Carignon.
La règle a également coûté son poste de ministre de l'Economie à Dominique Strauss-Kahn sous le gouvernement Jospin. Il a été blanchi par la suite dans l'affaire de la MNEF.
Depuis 2002, la droite a pris ses distances avec cette jurisprudence, invoquant la présomption d'innocence. Deux ministres mis en cause par la justice ont néanmoins dû démissionner. Renaud Donnedieu de Vabres, mis en examen dans l'affaire du financement occulte du Parti républicain, avait quitté son poste de ministre délégué aux Affaires européennes un mois après sa nomination. Il était revenu deux ans plus tard au ministère de la Culture après avoir écopé d'une peine réduite de 15.000 euros d'amende.
Secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice, Pierre Bédier avait lui aussi dû démissionner en janvier 2004 après sa mise en examen pour "corruption passive" et "recel d'abus de biens sociaux", qui lui a valu une condamnation à 18 mois d'emprisonnement avec sursis deux ans plus tard. Mais il était officiellement parti en raison de ses fonctions à la chancellerie.
André Santini a été mis en examen l'an dernier pour "complicité de détournement de fonds public", "prise illégale d'intérêt" et "faux" dans l'enquête sur la Fondation Hamon, une fondation d'art contemporain. Ce projet de musée d'art contemporain du nom de son mécène, Jean Hamon, devait voir le jour sur l'île Saint-Germain à Issy-les-Moulineaux et accueillir près de 200 toiles et sculptures données au conseil général des Hauts-de-Seine par le promoteur immobilier, estimées à près de 10 millions d'euros
A cet effet, un syndicat mixte, co-présidé par André Santini, maire d'Issy-les-Moulineaux, et Charles Pasqua, alors président du conseil général et également mis en examen, avait été créé en 2000. La ville assurait un tiers du budget, le reste étant pris en charge par le Conseil général des Hauts-de-Seine.
Dans l'attente de la construction du musée, les oeuvres étaient stockées et entretenues, aux frais du contribuable, dans un château appartenant à Jean Hamon qui perçoit des frais de garde.
La Fondation ne verra jamais le jour, le permis de construire sera annulé à la suite de recours engagés par les riverains et des associations écologistes.
Dans cette affaire, la justice soupçonne André Santini d'avoir fait embaucher un de ses proches par le syndicat mixte, d'où sa mise en examen.
En avril 2005, le conseil général, présidé par Nicolas Sarkozy, souhaitant mettre un terme à ce projet encombrant, a voulu annuler le contrat le liant à Jean Hamon pour l'entretien des oeuvres. En janvier, la justice lui a donné tort. Il devra payer jusqu'en 2011. AP
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