05/07/2007

Délinquance chic

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Edwige Antier, la pédiatre qui se dit victime de son "prince consort"
LE MONDE | 04.07.07 | 15h25 • Mis à jour le 04.07.07 | 15h25

Quand Edwige Antier a épousé, il y a quinze ans, un certain Regard, Robert, elle ne soupçonnait pas que l'éminent polytechnicien allait siphonner les comptes de son association de bienfaisance pour fabriquer des cigares. La très médiatique pédiatre a péniblement répondu, mardi 3 juillet, de recel d'escroquerie devant la 13e chambre du tribunal de Paris. Elle a expliqué qu'elle ne s'était absolument pas aperçue que son mari avait falsifié pendant deux ans des chèques à hauteur de 151 992 euros, pour gérer leurs menues dépenses quotidiennes.

L'affaire a débuté dans le meilleur monde, en 2003, lorsque l'Association mondiale des amis de l'enfance (Amade), une obscure association présidée par la princesse de Hanovre (née Caroline de Monaco), a sollicité Edwige Antier pour présider sa branche française "parce qu'elle était proche de Bernadette Chirac". La pédopsychiatre, assise sur un brin de notoriété grâce à une nichée de livres sur les bébés, une émission sur France-Inter et un poste de première adjointe à la mairie UMP du 8e arrondissement, a volontiers accepté à condition qu'on nomme son époux secrétaire général.

Le conseil d'administration n'y a pas vu malice. Robert Regard, un ingénieur des Ponts de 71 ans, avait l'air solide : chargé de mission dans plusieurs cabinets, l'un des constructeurs de Beaubourg, sous-directeur à la police nationale... Mais une expérience malheureuse lui avait valu une interdiction de gérer en 1993 et le polytechnicien commençait à descendre l'échelle sociale au moment où son épouse la grimpait. Elle gagne autour de 10 000 euros par mois, lui 2 558 ; elle n'a, à 65 ans, pas une minute à elle ; lui bataille contre le fisc et fait les courses.

Il en a souffert. "J'ai été frappé par le syndrome du prince consort, explique Robert Regard. Ne plus être toujours derrière... Même chez le boucher, on m'appelle monsieur Antier." Il a imité la signature de sa femme sur les premiers chèques de l'association le 6 juin 2004, pour aider l'un de ses fils qui, à 37 ans, peinait à tenir à flot une fabrique de cigares. La moitié des détournements sont partis en fumée, l'autre moitié a été engloutie dans le train-train quotidien. "Nous avions un train de vie désordonné, a expliqué le vieux monsieur. Je suis le seul responsable, c'était une fuite en avant. Imaginer que le détournement n'apparaîtrait pas, c'était une aberration."

REMBOURSEMENT EN TROIS FOIS
L'association ne s'est rendu compte de rien. Elle avait 101 000 euros en caisse quand Edwige Antier en a pris la présidence, 20 adhérents et une activité quasi nulle. La pédiatre a convaincu une expert-comptable dont elle soignait les enfants de s'occuper de la trésorerie, mais la dame n'avait ni la signature ni l'accès aux comptes. L'association ne dépensait d'ailleurs rien : un seul vague projet à l'hôpital Necker était en cours.
Le ciel s'est effondré le 15 décembre 2005 lorsque Robert a tout avoué à sa femme. "Je me suis tout à coup découvert 160 000 euros de dettes, assure la petite dame. J'ai aussitôt appelé l'ancien président ; je lui ai dit : "Gilbert, c'est une catastrophe"." Elle a aussitôt signé une reconnaissance de dettes, emprunté à des amis et remboursé les sommes en trois fois, avant le 31 décembre 2006. L'Amade s'est réveillée un peu plus tard et a obtenu, à coups de sommations interpellatives, sa démission.
"Je suis une victime, maintient la pédiatre. De mon mari, du conseil d'administration, de la trésorière qui n'a pas fait son travail." Elle a été rétrogradée de France-Inter à France-Info et a un peu de mal à digérer l'idée de recel : elle assure n'avoir jamais su que l'argent était arrivé sur ses comptes, eux aussi gérés par son mari. Le tribunal a évidemment un peu de peine à la croire. Le parquet a réclamé 75 000 euros à chacun des époux et l'interdiction de gérer une association.

Jugement le 10 juillet.
Franck Johannès
Article paru dans l'édition du 05.07.07.

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