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EDF coupe le courant… médiatique
mardi 3 juillet 2007, par Cassandre
C’est une histoire de pression sur les médias comme on les aime. Toute en finesse et en arguments chocs. Elle s’est passée le mardi 19 juin. Une belle matinée pour une poignée de nos collègues, convoqués à un point presse au local syndical du siège d’EDF-GDF à La Roche-sur-Yon. Quoi de plus normal… Jusqu’à la réaction plus que « soviétique » de la direction.
Le rendez-vous était fixé à la salle CMP. Sans plus d’indication. Mais comme un journaliste est généralement payé pour se paumer, nos confrères s’aventurent dans le site, sans trouver ni gardien, ni indication. Au bout d’un étroit chemin, apparaissent de charmants autocollants multicolores aux slogans revendicatifs. Ce doit être là. Un petit algeco niché au cœur de l’entreprise…
A l’intérieur, treize salariés débattent. Avec leurs collègues des Pays de la Loire, ils sont en grève depuis le 12 juin. Leurs revendications ? La création de dix postes statutaires sur la Vendée pour les aider à traiter les devis concernant le raccordement au réseau de distribution d’énergie et la surchauffe de l’été. Selon un délégué syndical, le système informatique serait performant au point d’égarer quelques dossiers. Plus grave – et plus gênant pour l’électricien français - des maisons devant être raccordées début juillet, « ne le seront pas avant le 15 septembre », faute de personnels compétents et qualifiés. Des dysfonctionnements qui arrangeraient la direction, « même si celle-ci s’est engagée à créer deux postes en Vendée et dix sur la Loire-Atlantique », explique-t-on du côté des syndicats. Avec l’ouverture du marché des particuliers au 1er juillet, EDF doit, en conformité avec la réglementation européenne, perdre de 20 à 30% de ses clients d’ici décembre 2007. Une exigence induite par les règles de la libre concurrence.
« Je vous demande de ne pas diffuser votre reportage »
Caméra et micros se tendent vers l’information. L’entretien se déroule normalement jusqu’à l’arrivée de deux personnes encore non identifiées. « Qui êtes vous et que faites-vous ici ! » demandent-ils à nos collègues. « Nous sommes journalistes et nous faisons notre boulot. » « Vos noms et l’identité de vos médias respectifs, poursuit sèchement l’un des cadres… Vous n’avez rien à faire ici. Vous êtes sur un site privé. » Tout en expliquant avoir été convoqués par les syndicats, trois confrères de la presse audiovisuelle s’exécutent, interloqués. « Que comptez-vous faire de cela ? » interrogent les journalistes. « Nous les transmettrons à notre direction qui ne manquera pas de vous appeler. » Le délégué syndical s’interpose, arguant du fait que des journalistes peuvent faire leur métier dans une entreprise privée, tant que cela touche à l’activité syndicale de la boîte. « Mais nous n’avons pas interdit à ces personnes de le faire », conclut, pince sans rire, le sbire.
Soit. Pourtant, l’entreprise de pression qui suit ressemble fortement à cela. Entre autre, ce charmant coup de fil passé à nos confrères radios par l’experte en relations humaines de l’électricien français… « Je vous appelle par rapport à votre intervention ( !?) au centre EDF, ce matin. Elle n’intervient aucunement dans un cadre légal. Je vous demande donc de ne pas diffuser votre reportage. » Ben tiens, si ça ce n’est pas de l’obstruction au métier d’informer, on veut bien devenir chargé de communication chez EDF ! Légal ou pas ? Nos confrères se sont renseignés en plongeant le nez dans le Code du travail. Selon la réglementation en vigueur, l’article L 412.10 de ce dit code stipule que « des personnalités extérieures, autres que syndicales, peuvent être invitées, sous réserve de l’accord du chef d’entreprise, par les sections syndicales, à participer à une réunion. » En clair, la faute n’émane pas des journalistes, mais des syndicalistes qui ont pêché par optimisme ou par naïveté… D’usage, ces derniers communiquent généralement à leur direction la liste des médias invités. Chose qui n’a pas du être faite dans ce cas-là.
Quoi qu’il en soit, cet acte de pression d’EDF, vis-à-vis de journalistes en fonction, n’en est pas moins grave. L’enjeu réel de cet acte « soviétique » n’est pas la soi-disante « intrusion » de journalistes dans le site, mais bien de garder une image « lumineuse » au moment de l’ouverture du marché aux particuliers…
Pour la petite histoire, seul un de nos collègues n’a pas cédé au chantage, en diffusant son reportage. Un bel acte de résistance en ces temps liberticides !
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