LE MONDE | 25.07.07 | 14h15 • Mis à jour le 25.07.07 | 14h15
Le sénateur (UMP) Gaston Flosse, président du parti autonomiste Tahoeraa huiraatira et homme fort de la Polynésie française, serait-il devenu indépendantiste ? Il a reconnu, jeudi 19 juillet, sur RFO-Polynésie, avoir rencontré en secret le chef du parti indépendantiste Tavini huiraatira, Oscar Temaru, et lui avoir soumis un protocole d'accord prévoyant un référendum d'autodétermination en 2028. Cette nouvelle fait l'effet d'une bombe dans la classe politique polynésienne. Jusqu'ici, le parti Tahoeraa avait fait de la lutte contre l'indépendance son cheval de bataille.
Le texte du protocole d'accord, dont Le Monde a eu copie, prévoit que la Polynésie française devienne dès 2008 un "pays associé de la République française" et prenne le nom de "Polynésie française-Tahiti Nui". Le modèle évoqué en filigrane est celui des îles Cook, pays indépendant associé à la Nouvelle-Zélande. "Le processus de transfert des compétences de l'Etat à la Polynésie française ne doit pas être interrompu", souligne ce texte.
Dans l'immédiat, les deux parties s'engagent à "renverser" le gouvernement autonomiste du président de la Polynésie française, Gaston Tong Sang, afin de provoquer de nouvelles élections. Celles-ci pourraient aboutir à la formation d'un gouvernement d'union nationale composé de ministres tahoeraa et tavini.
M. Tong Sang, lui-même membre du Tahoeraa de M. Flosse, s'indigne de ce qu'il considère comme "un changement radical de la politique du parti". "Jusqu'ici, Gaston (Flosse) a toujours mis en avant son attachement à la France. Il a sans cesse répété "l'autonomie, rien que l'autonomie". Or, ce protocole d'accord est un renoncement total à notre idéal politique, estime-t-il. Il donne raison à Oscar (Temaru). C'est un crime contre notre attachement à la France !"
MENACE D'UNE MOTION DE CENSURE
Plus que jamais, le gouvernement Tong Sang vit sous la menace d'une motion de censure à l'Assemblée de Polynésie. La prochaine session doit s'ouvrir le 20 septembre. En attendant, quatre ministres membres du Tahoeraa ont présenté leur démission. Le conseil du Tahoeraa devait se réunir, mercredi 25 juillet, pour prendre position sur l'initiative du sénateur Flosse.
Depuis son élection, Nicolas Sarkozy n'a pas marchandé son soutien à M. Tong Sang. Il l'a reçu à l'Elysée le 9 juillet. Il a annoncé qu'il se rendrait en Polynésie "fin octobre-début novembre" pour signer le contrat de projet. Ce serait le premier déplacement du président de la République en outre-mer. L'initiative de M. Flosse pourrait jeter à bas ce programme. A l'Elysée, on confirme que la visite aura lieu.
Les relations entre M. Flosse, pilier des réseaux chiraquiens d'outre-mer, et le gouvernement tournent au vinaigre. Le 19 juillet, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Christian Estrosi, appelait les Polynésiens "à la responsabilité". La réplique de M. Flosse a été cinglante : "Nous ne sommes plus au temps du colonialisme où c'est le secrétaire d'Etat à l'outre-mer qui dicte leur conduite aux élus de la Polynésie française. Nous sommes assez grands et nous n'avons pas de leçon à recevoir !"
Le président de la République, qui seul peut décider de dissoudre l'Assemblée de Polynésie, a affirmé que telle n'était pas son intention. M. Flosse compte bien le faire changer d'avis. "Si tout le monde demande la dissolution, il lui sera difficile de refuser", dit-il. Beaucoup prêtent au sénateur l'intention de reprendre la présidence de la Polynésie. "Il est difficile d'expliquer autrement son attitude", commente M. Tong Sang.
Xavier Ternisien
Article paru dans l'édition du 26.07.07.
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