22/07/2007

I love Guy Mocquet

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Avant les manifs, un spectacle « de droite »…
Avignon | samedi, 21 juillet 2007 | par

Une image énigmatique s’est frayée une place dans la forêt d’affiches de spectacles du Festival OFF d’Avignon. Une foule dans ce qui paraît être un stade, des tons bleus… On hésite entre le rassemblement sportif ou le meeting politique. Un peu plus loin, un homme en costume cravate vient courtoisement à la rencontre des passants, pour leur parler de ce qui se cache derrière ce « Projet Concret [1] » : « Bonjour, je m’appelle Luc Guiol, je travaille pour la Cellule Culturelle du Ministère de l’Identité Nationale. Nous présentons un spectacle sur l’identité pour essayer d’apporter des réponses à certaines questions que l’on se pose en ce moment… » « C’est une grosse blague ? », s’exclame une dame, un peu choquée par ce tract qu’on lui tend. « C’est un drame », répond l’homme.

Derrière l’ambiguïté se cache la performance. Du théâtre contemporain. Une recherche plus qu’une pièce, orchestrée par Virginie Berthier, metteur en scène de la troupe parisienne Le Bouc sur le Toit. Trois personnages font vivre des textes dits « de droite », mais pas seulement. Discours politiques, œuvres littéraires, médiatiques, et commentaires sportifs côtoient les textes de Xavier Guerlin, acteur et auteur à l’origine de la « Cellule ». Il a créé ce concept au printemps 2007. A l’époque, la troupe menait des improvisations de rue pour interpeller les passants sur les thèmes de l’identité et de l’avenir de la culture. La troupe a été surprise de la réussite de la supercherie, « beaucoup de gens ne sont même pas choqués par l’existence (fausse !) d’une Cellule Culturelle du Ministère de l’Identité Nationale », souligne Xavier. Dur quand on est là pour critiquer le dit ministère… Preuve qu’on ne réfléchit pas assez ? Qu’à cela ne tienne, Le Bouc sur le Toit va nous y pousser.
I love Guy Môcquet

Sur scène, les acteurs ont troqué leurs tee-shirts « I love Guy Môcquet » arborés pour tracter pour des costumes « de droite », robe à pois bleu marine pour madame, costume cravate clair pour monsieur. Cliché. La troupe utilise des lieux communs, derrières lesquels on se dédouane pour ne pas penser : « Ce sera quand même plus pratique. Bah oui. […] Il faut bien dire qu’à l’heure actuelle. C’est quand même pas évident. […] Il n’y aura plus à faire attention […] les choses seront claires et délimitées… ». Et pourtant, ça marche. Les textes, tantôt nationalistes, tantôt humanistes, incarnés par un seul, puis en chœur, à renfort de micros, mégaphone, ou guitare électrique, s’éclairent sous un autre jour. Les époques se croisent, le débat est là. Un trublion, vêtu mi-XVIIIe, mi « punk moderne » secoue le couple de Français moyens dans ses certitudes, puis non. C’est l’instinct qui refait surface, et des questions s’imposent, sur la formation de l’identité nationale ; on cherche les origines de la fermeture des frontières, de la nature de la différence entre « nous » et « les autres ».

Un spectacle politique créatif, qui n’en est qu’à ses premières gammes, et évolue au fil des représentations. Parce qu’on a jamais fait le tour d’une question comme celle de l’identité, surtout quand elle est « nationale ». Ce spectacle est une critique, mais aussi une réflexion sur qu’est-ce que cette identité qu’on institue en ministère, à quoi elle correspond dans notre quotidien. Barrès côtoie Christine Ockrent, Rabelais et Thierry Roland, les personnages pointent nos comportements, nos aspirations, la difficulté de se constituer comme nation, à l’heure de la construction d’une identité européenne avortée, d’une identité nationale en révision. Le spectateur, harangué, n’en ressort pas indemne. Preuve que la troupe, soucieuse de ne pas laisser s’endormir les consciences, atteint son but.

Amandine Faraud

[1] Le Projet Concret Du 10 au 24 juillet à 16h - Cour des Notaires, 23 bis rue Thiers – 84000 Avignon - 06 07 35 67 97

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