03/07/2007

Matignon: comment Fillon a creusé sa propre tombe

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Par Julien Martin (Rue89) 01H04 03/07/2007

Face à un Président hyperactif, le Premier ministre fait de la figuration. Une évolution qu'il a lui-même théorisée.
"Il va vous étonner!" L'entourage du Premier ministre est confiant: il devrait reprendre la main ce mardi avec son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale. Balayée l'ombre omniprésente de Nicolas Sarkozy qui l'empêche d'être dans la lumière?

François Fillon entend enfin faire respecter l'article 21 de la Constitution: "Le Premier ministre dirige l'action du gouvernement." Il l'avait d'ailleurs affirmé haut et fort dans une interview accordée aux Echos le 30 avril dernier: "Quant à la fonction, elle sera ce qu'en fait notre Constitution!" S'il le pensait réellement, non seulement la déception doit être grande, mais la contradiction davantage encore.

Déception, car la présidentialisation du régime va galopant. Super ministre, le chef de l'Etat est omniprésent. Une grogne des syndicats étudiants? Sarkozy vient à la rescousse et lâche du lest (lire notre article sur la rebuffade de Valérie Pécresse). L'Union européenne en panne? Le nom du ministre des Affaires étrangères n'apparaît nulle part. Même quand Guy Roux rencontre des difficultés à faire valider son diplôme d'entraîneur de football, le président de la République entre en jeu.

Et surtout contradiction, parce que François Fillon est l'un des principaux instigateurs de ce qu'il est désormais convenu d'appeler une "hyperprésidentialisation" du régime. Tête pensante d'un système dont il subit aujourd'hui les conséquences, François Fillon a-t-il lui-même creusé sa tombe? La phase préparatoire du programme présidentiel de l'UMP tend à le prouver.

1er avril 2006, convention de l'UMP sur les institutions. Celui qui est encore blessé par son absence du gouvernement Villepin prend la parole et prône "une République moderne". Le message est limpide:

"Pour moi, le chef de l'Etat doit être un acteur engagé. Il doit non seulement décider mais aussi s'expliquer de façon constante sur ses choix. Il doit être dans l'arène. Bref, il doit gouverner! Dans cette perspective, je trouve, par exemple, anormal et frustrant que le président de la République ne puisse se rendre au Parlement pour défendre de vive voix sa politique."


20 juin 2007, première interview télévisée du chef de l'Etat. Sur TF1, les mêmes mots sortent de la bouche de Nicolas Sarkozy:

"Le président de la République doit pouvoir s'expliquer devant le Parlement. Aujourd'hui, vous vous rendez compte, si je veux rendre compte au Parlement, qui est l'expression de la souveraineté nationale, de ce qu'on va discuter jeudi et vendredi au Conseil européen, tenez-vous bien Patrick Poivre d'Arvor, le ridicule est infini: je dois rédiger un message qui sera lu par un tiers devant l'Assemblée nationale debout, écoutant le message du président de la République. Est-ce que, franchement, en 2007, il n'y a pas un peu d'excès là-dedans?"


François Fillon réitérera à plusieurs reprises sa position sur l'importance que doit revêtir l'action du chef de l'Etat. "Elu pour cinq ans par tous les Français, il dispose de la plus forte légitimité. C’est donc lui qui doit gouverner, directement, sans écran", déclarait-il au colloque de l'UMP, organisé le 10 mai 2006 dans les murs de l'Assemblée nationale.

Déjà, le quinquennat avait transformé la fonction de Premier ministre en un poste de super directeur de cabinet. Désormais, la vision couplée de la tête de l'exécutif place le chef du gouvernement encore plus loin dans l'ombre du chef de l'Etat. Et ce, même si le Premier ministre aimerait faire croire que Nicolas Sarkozy et lui sont "interchangeables".

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