PARIS (AFP) - Une récente décision de justice va inciter les détenus à multiplier les plaintes pour conditions de détention "contraires à la dignité", alors que les prisons n'ont jamais été aussi peuplées depuis trois ans, estiment professionnels et associations interrogés jeudi par l'AFP.
Par un arrêt rendu public le 18 juillet, la chambre d'instruction de la cour d'appel de Nancy a décidé pour la première fois de donner suite à la plainte contre X d'un détenu fondée sur l'article 225-14 du Code pénal, qui réprime le fait de soumettre une personne vulnérable à des conditions d'hébergement contraires à la dignité humaine.
La chambre d'instruction a considéré que l'article 225-14 s'appliquait à la prison, qu'un détenu était, du fait même de sa détention, une personne vulnérable et qu'il convenait donc d'instruire la plainte.
Le détenu en question avait passé plusieurs mois en 2006 à la maison d'arrêt de Nancy qui héberge 330 prisonniers pour 259 places.
Selon l'Administration pénitentiaire (AP), il y avait au 1er juillet 61.810 détenus pour 50.557 places dans les 192 prisons françaises, soit un taux moyen de surpopulation carcérale de 122%. Le nombre de détenus n'avait jamais été aussi élevé depuis juillet 2004.
La décision de Nancy pourrait donner lieu à d'autres procédures similaires. Déjà, un détenu du Val-de-Reuil (Eure) a déposé mardi une plainte auprès du procureur de Rouen sur les mêmes fondements qu'à Nancy, a-t-on appris jeudi auprès de son avocat, Me Etienne Noël.
Ce détenu a passé plus de quatre ans à la maison d'arrêt de Rouen dans des cellules comprises entre 10,80 m2 et 12,36 m2 et toujours en compagnie de deux autres prisonniers.
Dans sa plainte, dont l'AFP a eu une copie, Me Noël rappelle que le Comité de prévention de la torture du Conseil de l'Europe fixe en outre à 7 m2 "l'espace disponible minimal" par détenu.
L'avocat évoque également deux rapports d'expertise sur les installations de la maison d'arrêt de Rouen, remis en novembre 2005 et janvier 2006 et consultés par l'AFP, dans lesquels un médecin hygiéniste rappelait par exemple que "l'absence de séparation entre cabinet d'aisance et la pièce à vivre constitue un manquement grave au Code de la Santé publique".
Hugues de Suremain, juriste à l'Observatoire international des prisons (OIP), estime qu'"il va y avoir une pression accrue sur les pouvoirs publics pour que l'intolérable cesse" à travers d'autres plaintes.
Jean-François Forget, secrétaire général de l'Ufap, syndicat majoritaire chez les surveillants de prison, juge "de bonne guerre" que "la population pénale profite de l'actualité assez dense sur ce sujet ces derniers temps pour appuyer sur l'accélérateur" contre la surpopulation carcérale.
Le président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) Jean-Pierre Dubois "se réjouit de cette prise de conscience qui commence dans les juridictions", rappelant qu'en 2000, "deux rapports parlementaires avaient conclu que les conditions de détention étaient +une honte pour la République+ mais la situation ne s'est améliorée qu'à la marge".
Les plaintes contre X doivent servir à déterminer les responsabilités "à n'importe quel niveau de l'Etat", selon Me Noël qui se dit convaincu que "c'est en accumulant les condamnations qu'on arrivera à faire bouger les choses".
La garde des Sceaux Rachida Dati a estimé jeudi sur LCI qu'il reviendrait au futur contrôleur général des prisons de "contrôler les conditions de vie des personnes privées de liberté".
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