Après plusieurs jours de négociations, l’espoir de sortie de crise s’éloigne.
Par Haydée Saberan
QUOTIDIEN : mercredi 29 août 2007
Lille de notre correspondante
Ce devait être une sortie de crise, mais ça ressemble à l’inverse. A Lille, hier soir, les 56 sans-papiers grévistes de la faim ont voté le maintien de la grève. Ils ont demandé au Mrap et la Ligue des droits de l’homme de retourner négocier avec le préfet. Ils réclament que tous les grévistes soient pris en compte. Toute la journée, les associations étaient allées à la rencontre des 14 grévistes de la faim concernés par la proposition d’ «examen bienveillant» de leur dossier par la préfecture, pour leur remettre la lettre du préfet qui leur demande de s’engager à cesser la grève. Quatorze sans-papiers, anciens grévistes, doivent aussi recevoir le courrier du préfet. Les associations devaient approcher aussi la trentaine qui ont été exclus d’office par le préfet (deux concernés par des poursuites pénales, huit qui ne vivent pas dans le Nord, une vingtaine qui ont déposé une demande d’asile), et même tenter de joindre par téléphone les treize qui ont été expulsés vers la Guinée et l’Algérie : le Comité des sans-papiers (CSP 59) affirme vouloir recueillir l’avis de tous.
La décision de poursuivre la grève a été prise hier soir après une longue réunion de trois heures. «Certains, par désespoir, souhaitent arrêter ; d’autres, en colère, souhaitent continuer», indique Saïd Bouamama, un des porte-parole du CSP 59. Il estime que le préfet «ne veut pas une sortie de crise, mais une capitulation des grévistes». Il l’accuse : «Il dévitalise ses propositions, en y ajoutant une série d’exceptions. Il respecte l’accord, mais l’accord ne concerne plus grand monde.» Les deux personnes sous le coup de poursuites pénales ? Il indique qu’elles ne sont plus poursuivies, donc régularisables. Explication de la préfecture : «Il y a une inadéquation entre vouloir s’intégrer dans la société française, et enfreindre la loi.» Et la vingtaine de demandeurs d’asile ? Pour le CSP, on pourrait attendre la fin de la procédure d’asile, et repêcher les déboutés. Saïd Bouamama imagine deux perspectives: «La première, c’est que les gens, certains dans une situation médicale dramatique, acceptent de se réalimenter. Mais on n’aura fait que casser le thermomètre, et d’autres crises sont à prévoir. La deuxième, c’est que les grévistes, avec courage, continuent, avec tous les risques que ça comporte.» Ce matin, certains grévistes entament leur 75 e jour de grève de la faim. Lundi, un homme expliquait avoir perdu 26 kilos. Le 14 août, le préfet avait signé un accord avec six associations, moins proches du CSP que la Ligue et le Mrap. Cet accord prévoyait le réexamen de 150 dossiers. Le préalable : la fin de la grève. Cette fois, il n’y a plus de préalable, mais le ton est plus dur. Et il refuse de passer par le CSP, plus radical. Outre des tracts virulents, le collectif a aussi placardé des visages en gros plans de grévistes avec la mention : «Le préfet Canépa veut-il ma mort?» Tout se passe comme si le préfet envoyait un message aux sans-papiers : «Si vous aviez accepté mes conditions, vous étiez gagnants.»
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