16/09/2007

Laurent Joffrin décomplexé dans son forum bidon

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Ce que Joffrin appelle un forum, ce n’était qu’une université d’été de plus. Il s’est trompé de mot, ou bien il a un peu truqué, pour faire plus démocratique ; mais en fin de course, la fatigue aidant, sans doute, ça lui a échappé, le refoulé est remonté : le refoulé, c’est le peu d’estime où il tenait la parole de son public. Il a lâché ces mots : classe, élèves, profs – très belle réalité, nullement indigne, mais analogie parfaitement inappropriée s’agissant d’un forum citoyen.Vive la politique ! Le faux forum de Libé
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Par Judith Bernard le dimanche 16 septembre 2007/ARRET SUR IMAGE

Le lirez-vous dans Libé ? Pas sûre…

Le grand Forum organisé à Grenoble par le journal Libération, qui a permis à moult prestigieuses personnalités politiques de respirer l’air presque pur de la presque montagne n’a pas été sans petits dégâts collatéraux. Outre le traitement pour le moins méprisant réservé à la Société des Lecteurs de Libération, dont les débats ont été relégués dans un hangar que nulle communication ni signalétique n’invitait à rejoindre, des filtrages particulièrement vigoureux ont compliqué l’accès au « Forum Citoyen ». Plan Vigie Pirate niveau rouge oblige, selon les explications de Laurent Joffrin, des fonctionnaires des Renseignements Généraux, et des membres de la Brigade Anti-Criminelle ont interdit l’entrée dans le bâtiment à divers individus « suspects », dont plusieurs étudiants et professeurs de Science Po, et des membres de la Société des Lecteurs de Libération (dont l’un a été molesté pour avoir insisté).

A l’intérieur se tenaient les fameux « duels » entre personnalités politiques, dont plusieurs ministres en exercice, ce qui justifiait le spectaculaire déploiement de forces de l’Ordre relativement inattendu aux abords d’une manifestation orchestrée par Libé…

Encore que : en écoutant bien attentivement Laurent Joffrin clore la manifestation, samedi en fin d’après-midi, on pénétrait plus avant dans sa conception d’un forum, et de l’Ordre qu’il y faut faire régner. Devant le public, qui faisait part de son insatisfaction à l’issue d’un forum qui n’en était pas un, puisque le public n’avait pas eu son mot à dire dans le spectacle institutionnel ronronnant qui s’était donné à voir, il a doctement expliqué qu’un forum « c’est comme une classe : il y a le prof, il y a les élèves, il y a ceux qui savent, il y a ceux qui ne savent pas, et je refuse la démagogie qui consiste à dire que tout le monde sait pareil. Quand on a la chance d’avoir des ministres en exercice, qui sont aux manettes, et qu’on a l’occasion de les écouter, ça me paraît important ».

En ce qui me concerne, à ce moment précis, si je n’avais pas été si fatiguée (je venais de participer à une table ronde, ailleurs, dans un autre monde), et si j’étais un peu plus tête brûlée (il restait quand même plusieurs centaines de personnes dans la salle) je pense que je me serais levée, et que j’aurais hurlé.

J’aurais hurlé : NON. Non Laurent, la relation entre les hommes politiques et les citoyens ce n’est pas une relation pédagogique. Un forum entre eux et nous ce n’est certainement pas une salle de classe. Ils sont aux manettes, ils savent donc des choses. Mais nous sommes sur le terrain, et nous en savons aussi. En tant que membres de la Cité politique nous sommes embarqués dans la même galère, chacun à son poste. La relation entre eux et nous c’est une relation de représentation, de délégation : ils font les choses, en notre nom. En vertu de la délégation de pouvoir que nous conférons par l’élection, ils sont l’émanation de nous, ils nous représentent et nous doivent écoute autant que nous la leur devons.

Ce que Joffrin appelle un forum, ce n’était qu’une université d’été de plus. Il s’est trompé de mot, ou bien il a un peu truqué, pour faire plus démocratique ; mais en fin de course, la fatigue aidant, sans doute, ça lui a échappé, le refoulé est remonté : le refoulé, c’est le peu d’estime où il tenait la parole de son public. Il a lâché ces mots : classe, élèves, profs – très belle réalité, nullement indigne, mais analogie parfaitement inappropriée s’agissant d’un forum citoyen. Et j’ai retrouvé l’abîme, le vieil abîme au bord duquel nous nous sommes tenus cois, au lendemain du référendum sur l’Europe : l’abîme qui sépare les journalistes de leurs lecteurs, quand les premiers se croient les précepteurs des seconds. C’est-à-dire pas seulement leurs « informateurs », mais décidément leurs maîtres à penser, à croire et à voter, considérant leurs « élèves » comme des enfants : des infans, des êtres privés de parole.

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