Rachida Dati à l'Elysée le 16 juillet 2007
Un procureur général a autorité sur les procureurs de la République de sa région dont il coordonne l'action. Il est rattaché à une cour d'appel (ou à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes).
Ambiance à la Chancellerie. Rachida Dati s'apprête à procéder à un mouvement sans précédent de dix procureurs généraux à la fin du mois de septembre. Cette vague de nomination, que la garde des Sceaux a annoncé lundi 10 septembre lors d'une réunion avec les chefs de cours de justice, inquiète certains les magistrats joints mercredi par 20minutes.fr.
Car une telle valse, c’est du jamais vu dans l'histoire de la Vème République. Normalement, un procureur général est inamovible durant les sept années que dure son mandat. Il ne quitte son poste qu'en cas de demande de mutation ou de départ à la retraite. Mais parmi les dix procureurs concernés, seuls trois au maximum seraient en âge de partir à la retraite.
«Cela va poser un problème juridique important», explique à 20minutes.fr un bon connaisseur du système judiciaire. «Une nomination exceptionnelle doit se faire dans l'intérêt du service, sans quoi le magistrat peut faire un recours auprès du Conseil d'Etat. Comment Rachida Dati va-t-elle motiver sa décision?», s'interroge-t-il.
Des magistrats de gauche sanctionnés?
Le malaise est d'autant plus grand que certains craignent que les magistrats débarqués soient ceux qui ont été nommés par la gauche et leurs remplaçants des amis politiques de la Chancellerie (anciens membres des cabinets de Dominique Perben et de Pascal Clément place Vendôme, ou procureurs encartés à l'UMP). D'autres pensent que l'ensemble des magistrats faisant preuve de trop d'indépendance pourraient être sanctionnés.
Officiellement, il s'agit juste d'assurer la parité dans les nominations alors que seules deux des trente-cinq procureurs généraux sont des femmes aujourd'hui en France.
«Dans la mesure du possible, nous souhaitons promouvoir la parité», assure à 20Minutes.fr Guillaume Didier, porte-parole de Rachida Dati, qui nie avoir connaissance d'un quelconque calendrier de mutation. «Nous allons chercher des compétences chez des gens qui, spontanément, n'auraient pas postulé à des postes de procureurs généraux», reconnaît toutefois celui qui entend «rajeunir» la fonction. «C'est un peu triste pour un procureur général d'être procureur général toute sa vie, il peut très bien devenir directeur dans l'administration centrale», fait-il valoir.
«Une préfectoralisation de la magistrature»
«Rachida Dati s'apprête à mettre des procureurs généraux au placard, à la Cour de cassation par exemple, et mettre ses proches à des postes opérationnels», s'inquiète un magistrat. «Nous assistons ni plus ni moins qu'à une préfectoralisation de la magistrature, c'est très dangereux pour les libertés publiques». Car, rappelle-t-il, «si le parquet met en œuvre la politique pénale générale du gouvernement, il n'agit pas au coup par coup à la demande du politique».
Et l'exemple de Rachida Dati sanctionnant le vice-procureur de Nancy qui avait critiqué la loi sur la récidive n'est pas pour rassurer les membres du ministère public.
Emmanuelle Perreux, président du Syndicat de la Magistrature (SM, gauche), qui considère d'ores et déjà les procureurs généraux comme des postes politiques — ils sont nommés sans avis du Conseil supérieur de la Magistrature, avoue que la décision de Rachida Dati «pose problème». Mais elle ne demandera pas à voir la garde des Sceaux pour autant : «sur le fond, elle n'apporte jamais aucune réponse».
«La façon dont Rachida Dati considère la justice est donc une préoccupation majeure», rappelle Bruno Thouzellier, président de l'Union Syndicale des Magistrats (USM, modéré). Qui attend sagement de voir «ce qu'elle va faire» avant de réagir.
Alexandre Sulzer
20Minutes.fr, éditions du 12/09/2007 - 17h01
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