Merkel-Sarkozy : l’efficace et le fanfaron
L’une a sorti l’Allemagne du marasme. L’autre s’agite et a réponse à tout. Le bon sens voudrait qu’elle soit couverte d’éloges. Pourtant, à l’heure de la politique-spectacle, c’est Sarkozy qui a les honneurs de la presse.
L’Allemagne se porte à merveille, mais c’est la France qui est à la mode. Sarkozy a franchi le seuil de ses cent premiers jours au pouvoir et sa popularité est incomparable. A chaque jour son comptant de photos glamours et d’informations percutantes. Mais tout cela relève pour le moment du simple effet d’annonce et ne se traduit ni par une amélioration de l’économie française, ni par des mesures de véritable envergure. L’Allemagne, en revanche, vient de sortir du rouge pour la première fois depuis la chute du mur de Berlin : elle a enregistré un excédent de ses comptes publics de 0,1 %, elle satisfait de nouveau aux exigences de Maastricht après avoir été dans l’incapacité de le faire pendant quatre années d’affilée, et sa grande coalition peut présenter comme une réussite son programme de réformes modérées et l’augmentation de 3 points de la TVA. Berlin affiche une solide croissance économique de 2,5 %, contre un petit 1,8 % pour la France. Mais il faut dire aussi que le gouvernement allemand ne passe pas son temps à baisser les impôts de façon spectaculaire, ni à prôner des réformes improbables (le voudrait-il qu’il ne le pourrait pas, puisque la coalition l’en empêcherait).
Les actions d’Angela Merkel sont en fait aux antipodes de celles de Nicolas Sarkozy. Elle est libérale là où il est interventionniste. Elle se montre flexible et prête à négocier là où il est dogmatique et intraitable. Et là où l’Allemande écoute, le Français donne des leçons. D’un côté collégialité et concertation, de l’autre personnalisation et OPA hostiles. Le gouvernement allemand veut contrôler les investissements étrangers, surtout dans les secteurs stratégiques et lorsque ces investissements sont douteux et proviennent de pays tels que la Chine, la Russie ou les monarchies arabes. A l’Elysée, en revanche, on envisage la question en termes de patriotisme industriel et de champions nationaux. Mme Merkel perpétue la tradition allemande de ne pas interférer dans les décisions de la Banque centrale, tandis que M. Sarkozy ne peut pas s’empêcher de faire planer l’ombre de son pouvoir sur ceux qui décident de la politique monétaire. Le Français revendique la fin des différences entre la gauche et la droite, l’Allemande les pratique au quotidien, en renouvelant les accords de coalition et en évitant la gestuelle provocatrice et la futilité de l’insulte politique. Selon le mensuel américain Forbes, Angela Merkel est la femme la plus puissante de la planète, pour la deuxième année consécutive. Mais celui qui occupe les pages de la presse du cœur et les unes de la presse de référence, c’est Nicolas Sarkozy.
Le nouveau président français tire un parti méritoire du marasme dans lequel la France était plongée et du vide politique et idéologique qui se trouve à sa gauche, avec un Parti socialiste transformé en une sorte de supermarché où le président peut se servir à loisir. Sa popularité ne s’explique pas seulement par le fait qu’il n’y a que lui sur scène : les Français voulaient aussi qu’il se passe quelque chose, que quelqu’un dise des choses différentes, et ils ont l’impression que c’est ce qui est en train de se produire. Si hier la France avait un président vieux et aphone et était absente de la scène internationale, elle a aujourd’hui à sa tête un homme qui joue des coudes, qui est partout à la fois et qui pense pouvoir résoudre tout ce qu’il gratifie de sa lumineuse présence. La France, aujourd’hui, existe.
La présidence française recommence à parader : c’est l’Elysée qui a sauvé la Constitution européenne. Grâce à Sarkozy, la relation avec Washington a été rétablie. La Banque centrale européenne au garde-à-vous ? C’est encore au président français qu’on le doit. Qui ose parler des sujets les plus scabreux, par exemple de pédophilie ? Sarkozy, toujours. Qui a autorisé, à ses conditions, la fusion entre Suez et GDF ? Et qui a écrit une lettre aux enseignants pour leur dire comment exercer leur métier ? Bref, il ne manquait plus à Sarkozy qu’un auteur de talent comme Yasmina Reza qui s’est occupée de son cas pendant une année entière pour dresser de lui un portrait où il n’y a ni idées, ni programme, mais seulement l’ambition personnelle dans ce qu’elle a de plus cru.
Lluís Bassets
El País
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