20/11/2007

"Contrat" pour les Roms: régularisation si sédentarisation

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La mairie d'Aubervilliers a entamé un programme de relogement destiné à une partie de cette population. Visite interdite aux journalistes. Enquêtela mairie d'Aubervilliers a entamé un programme de relogement destiné à une partie de cette population. Visite interdite aux journalistes. Enquête

Depuis quelques années à Aubervilliers, 700 à 800 Roms étaient répartis dans plusieurs campements sur des terrains privés. Ni eau, ni électricité, les conditions de vie étaient déplorables. Un incendie s'est déclenché dans l'un d'entre eux. L’étincelle de trop pour la mairie qui a alors décidé de mettre en place un projet d’insertion pour cette population. Parmi elle, tous n’ont pas été retenus. Tous ne le voulaient pas. Les conditions de ce relogement temporaire étaient très strictes. « Pour les familles, il fallait faire face à beaucoup d’exigences, explique Marisol Nodé-Langlois, d’ATD Quart-Monde : apprendre le français, envoyer ses enfants à l’école, collaborer avec les travailleurs sociaux, suivre une formation puis trouver un emploi :

c’est un travail intense ! »

Mais ce n’est là qu’une étape du projet : la condition sine qua non étant d’entamer une démarche de régularisation pour trouver dans les trois ans un travail et un logement en dur. « Ça n’a pas été facile de choisir des gens d’accord pour habiter au 10ème étage d’un HLM, se souvient Joël Demartini, directeur général des services de la mairie d’Aubervilliers. Certains Roms n’étaient pas capables de briser leur mode de vie. »

Après avoir recueilli ces témoignages « officiels », nous avons voulu voir la situation « sur le terrain ». Ce fut le début d’une série de coups de fil et de mails sans réponses. Pour se rendre sur place, il fallait une autorisation de la mairie qui nous a renvoyées auprès de l’Association de gestion du foyer des jeunes travailleurs d’Aubervilliers. C’est le directeur de l’association qui délivre les autorisations aux médias. Il nous a dit qu’il était très sollicité ces derniers temps par les journalistes. Bilan : pas de nouvelles, ni de lui ni de Claudine Pejoux, conseillère municipale en charge des questions de solidarité, et qui s’était occupée du projet.

Nous n’avons donc pas pu aller sur place. Nous étions en quelque sorte logées à la même enseigne que les Roms vivant sur ce terrain gardé 24 heures sur 24. Pour recevoir des visiteurs, les familles doivent en faire la demande à la mairie. « Pour les protéger d’eux-mêmes et des autres, justifie Joël Demartini. Le jour où ils auront un appartement dans un HLM et un emploi, ils recevront qui ils voudront. »

Initiative ponctuelle que celle de ce relogement « protégé », ou modèle à suivre ? Ce projet d’insertion a inspiré d’autres communes en Seine Saint Denis – celle de Bagnolet notamment – et dans les banlieues marseillaise et lyonnaise. Même si ce modèle se généralise, est-ce pour autant une solution durable aux problèmes des bidonvilles dans les banlieues françaises ? « Il faudrait un travail conjoint entre l’Etat, les municipalités et les familles Roms, estime Marisol Nodé-Langlois. L’Etat doit, comme à Aubervilliers, faciliter les démarches de régularisation. » Ce que confirme le directeur général des services de la mairie, Joël Demartini, même s’il considère que « le problème des Roms en France dépasse largement la simple logique d’Aubervilliers ». Il ajoute : « La commune n’est pas responsable des frontières de la France, c’est d’abord un problème d’Etat. »

Avons-nous affaire à un arbre qui cache la forêt des expulsions dont sont victimes de plus en plus de Roms ? Le projet a coûté environ 1,5 million d’euros à la mairie et au Conseil régional. Sur plus de 700 personnes, seules 80 sont concernées. Une dizaine a déjà quitté les mobil homes car elles ne respectaient pas les conditions. Quant aux centaines d’autres Roms, ils ont quitté Aubervilliers. Certains sont retournés dans leur pays, la Roumanie, d’autres sont allés en province, et beaucoup se sont installés dans des bidonvilles d’autres communes de Seine-Saint-Denis. Alors, oui, c’est vrai l’espoir des familles relogées dans les mobile homes est énorme, leurs enfants vont à l’école et ils devraient être régularisés prochainement. Mais à la mairie les langues se délient. En fin d’interview, Joël Demartini lâche : « La contrepartie de ce projet, c’est que l’Etat fasse en sorte qu’il n’y ait plus de Roms à Aubervilliers. »

Une déclaration qui nous a étonnées et qui a interpellé Marisol Nodé-Langlois. La chargée de mission d’ATD Quart-Monde a alors appelé le directeur général des services de la mairie. Sans nier l’avoir faite, celui-ci nous aurait reproché de transformer ses propos et de « n’avoir retenu que ce que nous voulions ». Pourtant cette phrase a bel et bien été prononcée.

Raphaëlle Thomas et Elisa Mignot (Extramuros)

http://20minutes.bondyblog.fr/news/contrat-pour-les-roms-regularisation-si-sedentarisation


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