LE MONDE | 18.12.07 | 10h56 • Mis à jour le 18.12.07 | 11h54
Il en est ainsi des deux régimes de rémunération des heures supplémentaires prévus l'un dans la loi du 21 août sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (TEPA), l'autre dans le nouveau projet de loi pour le pouvoir d'achat examiné à l'Assemblée à partir de mardi 18 décembre.
Le rachat des jours de réduction du temps de travail (RTT) prévu dans le nouveau texte est plus favorable pour l'employeur et pour l'Etat, beaucoup moins pour les quelque 15 millions de salariés passés aux 35 heures.
Parce qu'elles sont assujetties aux contributions sociales et à l'impôt sur le revenu, les heures de RTT rachetées à un salarié seront payées "de 16 % à 50 % moins cher" que les heures supplémentaires rémunérées dans le cadre du TEPA, constate l'étude que le président (PS) de la commission des finances, Didier Migaud, a fait faire.
Les salariés n'y ont guère intérêt, mais c'est l'employeur qui choisit de proposer des "heures sup" ou qui accepte la "monétisation" des RTT. Les employeurs et l'Etat ont tout intérêt au rachat.
Pour un chef d'entreprise, le paiement des jours de RTT, dans la limite de dix jours par salarié, ouvre droit à une exonération totale de cotisations sociales patronales – elle est forfaitaire dans le cadre de TEPA – et permet de s'affranchir du contingent d'heures supplémentaires.
Quant à l'Etat, il économise la dépense fiscale liée à l'exonération de l'impôt sur le revenu prévue avec la détaxation des heures supplémentaires, estimée à 400 millions d'euros par an.
En commission des finances, jeudi 13 décembre, le ministre du travail, Xavier Bertrand, avait admis la concurrence entre les régimes. "D'ici à la semaine prochaine, le gouvernement fera en sorte de revenir à deux, voire un seul système, si cela est possible", avait ajouté le ministre, reconnaissant implicitement le côté "usine à gaz" du dispositif gouvernemental.
ALIGNEMENT
Sous l'impulsion de Frédéric Lefebvre (Hauts-de-Seine) et Jérôme Chartier (Val-d'Oise), chargés de coordonner le groupe de travail de l'UMP sur le pouvoir d'achat, plusieurs amendements au texte ont été déposés. Le premier étend jusqu'au 30 juin 2008 la possibilité de rachat des jours de RTT.
Lundi 17 décembre, à la veille de l'examen du texte en séance, les choses se sont accélérées. Dans un premier temps, M. Lefebvre rédige un amendement au projet de loi proposant de pérenniser la possibilité de racheter les RTT – alors que le texte du gouvernement ne prévoit l'application de ce dispositif qu'en 2008 – sous le régime fiscal et social plus favorable pour les salariés adopté dans le cadre du TEPA.
Cet amendement est transmis dans l'après-midi à M. Bertrand, qui ne s'y montre pas hostile. De son côté, Matignon travaille sur deux propositions d'amendement : l'un fait sauter la limite des dix jours de RTT pouvant être rachetés; le second reprend la proposition d'étendre jusqu'au 30 juin la possibilité de rachat.
Le cabinet du premier ministre contacte les deux députés pour leur proposer ces deux amendements. Ils acceptent le premier. En revanche, ils estiment insuffisante la deuxième offre. C'est donc un amendement parlementaire qui est déposé dans la soirée, cosigné également par Gilles Carrez (UMP, Val-de-Marne), rapporteur général de la commission des finances.
Dès lors, si l'arbitrage définitif du premier ministre n'a pas encore été notifié, les bases de discussion ont changé. L'alignement des deux régimes (heures sup et RTT) sur le plus favaroble aux salariés est quasiment acquis, de même que la suppression de la limite des dix jours et la prolongation de six mois de la période rachat. Reste en suspens la question de la pérennisation du système.
"On peut se réjouir que le gouvernement soit conscient qu'il y a dans le pays un problème de pouvoir d'achat, non résolu par la loi TEPA. Mais les mesures qui nous sont présentées, un peu précipitées, ne sont pas à la hauteur du problème. Il y a tromperie sur la marchandise", commente M. Migaud, qui dit "n'avoir jamais vu autant de milliards pleuvoir".
Saisi pour avis, le conseil de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAMTS) a dénoncé, vendredi 7 décembre, "les conditions inacceptables" dans lesquelles il a été conduit à examiner ce projet de loi. Il a estimé les délais imposés "incompatibles avec le temps de l'analyse et de la discussion que requiert un texte de cette nature". Ils'inquiète du montant des nouvelles exonérations de cotisations sociales que ces mesures vont entraîner et rappelle l'obligation pour l'Etat de les compenser intégralement à la Sécurité sociale.
Quel que soit le dispositif qui sera adopté cette semaine en première lecture à l'Assemblée – l'adoption définitive étant prévue en janvier 2008 –, une chose est sûre : il repose en dernier ressort sur la capacité ou la volonté des entreprises d'y recourir. Le ministre du travail l'a rappelé, la semaine dernière, à la présidente du Medef, Laurence Parisot.
Pour le premier secrétaire du PS, François Hollande, ce nouveau plan en faveur du pouvoir d'achat n'aura d'effets, "si tant est qu'il en ait, qu'extrêmement lointains et aléatoires". Le PS n'entend pas pour autant faire de l'obstruction : "Je ne voudrais pas que l'on puisse dire que ce plan ne donne pas de résultats à cause de l'opposition", précise M. Hollande.
Claire Guélaud et Patrick Roger
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