PARIS, 6 fév 2008 (AFP) - L'Assemblée nationale a adopté mercredi le projet de loi Dati sur la rétention de sûreté qui permet l'enfermement à vie de criminels dangereux, en entérinant le principe, extrêmement controversé, d'une rétroactivité de cette mesure.
L'Assemblée adopte le projet de loi Dati sur la rétention de sûreté
AFP
Par Par Béatrix BACONNIER-MARTIN AFP - il y a 1 heure 9 minutes
L'UMP a voté pour, toute la gauche a voté contre.
Le texte répond à une promesse de Nicolas Sarkozy faite à la suite de plusieurs faits divers dramatiques, notamment l'affaire Enis, un enfant enlevé et violé en 2007 par Francis Evrard, pédophile récidiviste.
Le projet crée des "centres socio-médico-judiciaires", où pourront être enfermés, une fois purgée leur peine, les criminels jugés dangereux et susceptibles de récidiver.
Décidée par une commission de trois magistrats, la rétention prévue pour durée initiale d'un an, sera renouvelable indéfiniment.
Pour que la mesure ne soit pas "un simple enfermement à durée indéterminée" les "personnes retenues" dans les centres "bénéficieront d'un suivi d'offres de soins individualisés, a fait valoir Rachida Dati (Justice).
"Donnez-nous les moyens de commencer les soins dès l'incarcération", a plaidé Michel Vaxès (PCF).
Alors que le texte initial limitait la mesure aux auteurs de crimes à caractère sexuel, sur mineurs de moins de 15 ans, la majorité UMP l'a étendu à tous les crimes (assassinat, actes de torture, enlèvements..) sur tous les mineurs ainsi que sur les majeurs avec circonstances aggravantes.
"Cela concernait au départ une quinzaine de personnes et maintenant entre 50 et 100", s'est inquiété Serge Blisko (PS).
Le texte prévoit en outre que la rétention de sûreté s'appliquera aux personnes déjà condamnées avant la promulgation de la loi.
Cette disposition, adoptée à la dernière minute en première lecture, à l'initiative de Mme Dati, rend possible dès cette année l'enfermenent de criminels dans ces centres, dont le premier doit ouvrir à Fresnes cet été, et non dans 15 ans puisque la rétention vise les criminels condamnés à 15 ans de prison.
Elle a soulevé un tollé dans le monde judiciaire et l'opposition. Elle l'a jugé contraire à la Constitution qui interdit la rétroactivité des lois pénales. "On n'a pas vu cela depuis Vichy", a dénoncé Jean-Michel Clément (PS), selon qui "nous ne pouvons pas accepter un modèle de société qui sacrifie nos libertés au profit d'un objectif illusoire de risque zéro".
"C'est un procès d'intention indigne de notre assemblée", a rétorqué Etienne Blanc (UMP).
Pour la ministre, la question de la rétroactivité ne se pose pas: "la rétention est une mesure de sûreté, ce n'est pas une peine, elle est donc immédiatement applicable", a-t-elle fait valoir.
M. Blisko a jugé au contraire que cette disposition "est tout à fait contraire à notre Constitution". Par ailleurs, selon lui, "il ne peut y avoir de peine sans acte" et "la peine après la peine pourra être plus longue que la peine elle-même".
Le texte doit être soumis jeudi matin au Sénat pour une adoption définitive avant d'être examiné par le Conseil constitutionnel devant lequel l'opposition a annoncé un recours.
Son président Jean-Louis Debré n'a pas caché son opinion sur la rétroactivité en rappelant qu'"il y a des principes généraux sur la non rétroactivité des lois sauf les lois pénales les plus douces".
"C'est un indice" sur la décision des sages, a espéré M. Vaxès.
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