30/04/2012

Sarkozy, Guéant, échec et mat

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.Fahim Mohammad (photo Audoin Desforges)

LES INROCKS
Fahim, 11 ans, sans papier et champion de France d’échecs
28/04/2012 | 09h10

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A 11 ans, Fahim Mohammad est en situation irrégulière et sans domicile fixe en France depuis 2008. Samedi 21 avril, il est devenu champion de France pupille d’échecs. Depuis, il aurait du intégrer l’équipe de France, mais pour participer à des tournois internationaux, il faut un passeport pour voyager.
Au rez-de-chaussée d’une tour de Créteil, dans le petit local du club d’échecs Thomas-du- Bourgneuf, un gamin vêtu d’un sweat à capuche est affalé sur le canapé. Fahim Mohammad dîne ici avec son père presque tous les soirs, plus rarement il y dort. Il vient surtout s’entraîner. Nura Alam, son père, pointe du doigt un amas de coupes perchées sur le micro-ondes marron et déclame, les yeux grands ouverts : “Champion Ile-de-France 2010, champion de Paris…” Faute de place, d’autres trophées campent dans l’arrière-salle. Fahim semble réservé, presque distant par rapport à tout ça.


Après quatre ans en situation irrégulière, à vadrouiller entre les hôtels sociaux, avec même un bref passage sous une tente, il a trouvé un peu de stabilité dans des familles proches du club. Samedi 21 avril à Nîmes, Fahim est devenu champion de France des moins de 12 ans. Comme il est scolarisé depuis trois ans en France, ce titre aurait dû lui ouvrir les portes de l’équipe nationale. Théoriquement.


“Ils ne voulaient pas que je joue aux échecs”

Fin 2008, Fahim et son père débarquent en France en avion “avec un passeur qui nous a repris ensuite les passeports”, se remémore-t-il. Ils ont fui le Bangladesh pour des problèmes politiques. “Mon père était dans le clan qui a perdu les élections présidentielles. Ils l’ont menacé de s’en prendre à moi.” Fahim a retenu de cet épisode qu’“ils ne voulaient pas que je joue bien aux échecs. Ils étaient jaloux”. Tandis que, dans un français parfait, son enfant pèse chaque mot pour répondre à nos questions, le père sort d’un classeur des articles de journaux en anglais. Sur une photo à la une, on aperçoit Fahim en tournoi, juché sur trois chaises en plastique afin d’être à la hauteur de l’échiquier.




Depuis l’âge de 5 ans, il gagne la plupart des tournois qu’il dispute. Pas étonnant qu’une fois arrivé à Paris, le premier réflexe de Nura Alam fut d’inscrire son fils à un tournoi d’échecs. A seulement 8 ans, il remporte la compétition réservée aux moins de 20 ans. Un entraîneur le repère et lui conseille d’aller faire un tour au club Thomas-du- Bourgneuf, où évolue une équipe de “top jeunes”, le plus haut niveau français. Ce jour-là, Xavier Parmentier, ancien entraîneur de l’équipe de France des jeunes durant vingt ans, y dispense justement un cours.


“J’ai vu arriver le gamin avec son père. Il ne parlait pas français. Je lui ai montré un problème (sur l’échiquier), il a désigné du doigt la solution, beaucoup plus vite que les gamins qui étaient là.”


Depuis, il entraîne bénévolement Fahim deux fois par semaine. De son côté, le jeune joueur doit s’exercer à la maison. “Mais il est encore un peu feignant, comme les gosses de son âge”, soupire son entraîneur. Fahim reconnaît lui-même qu’il “ne travaille pas beaucoup, beaucoup”. Un peu nonchalant, un peu distrait, l’enfant a vu son niveau de jeu évoluer en dents de scie, principalement à cause de sa situation matérielle.


Champion de France pupilles

Des organismes comme l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) ont rejeté en août 2010 sa demande de titre de séjour et celle de son père, au motif que la femme et deux enfants de Nura Alam demeurent toujours au Bangladesh. Décision confirmée en appel par le tribunal administratif la même année. Accueillis un temps dans des hôtels sociaux d’urgence par France terre d’asile, Fahim et son père se retrouvent à l’été 2011 de nouveau à la rue.


“Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile portent bien leur nom. Quand la demande est définitivement rejetée, on ne peut plus y rester”, se désole une communicante de FTA. Fahim voit alors son père planter une tente à côté du lac de Créteil. Devant cette situation d’urgence qui va durer un mois, le club d’échecs se mobilise. Fahim dort depuis chez des familles proches du club tandis que son père loge dans une chambre prêtée après un appel lancé sur le web.


“L’année où on allait d’hôtel en hôtel, j’avais du mal à me concentrer. Je n’avais fini que septième au championnat de France”, se souvient Fahim. Triturant un pion de sa main droite, l’enfant s’anime dès qu’on évoque sa dernière compétition. Sur une semaine, il a remporté sept parties et réalisé deux nulles. Fahim accepte de reconstituer de mémoire une partie qu’il a remportée en moins de vingt coups. “A son niveau, c’est normal de pouvoir faire ça, nous explique a posteriori son entraîneur. C’est comme demander à quelqu’un de chanter une chanson apprise à l’école.” Samedi 21 avril, il termine avec huit points, le meilleur score. Fahim se retrouve champion de France pupilles.


“Le problème n’est pas qu’il soit étranger”

En théorie, “ce titre lui fait intégrer automatiquement l’équipe nationale jeunes”, nous explique Jordi Lopez, directeur technique adjoint de la Fédération française des échecs (FFE) et sélectionneur de l’équipe de France des jeunes. Seulement, Fahim dispute ses compétitions “sous le code” bangladais. En d’autres termes, il est affilié à la fédération de son pays. La FFE a donc entamé les démarches nécessaires pour qu’il puisse jouer “sous le code français”.


“Ce n’est pas le fait qu’il soit étranger qui pose le plus problème, ajoute Jordi Lopez, mais qu’il soit en situation irrégulière. Comment va-t-il passer les aéroports pour les championnats d’Europe et du monde ? Nous ne pouvons pas prendre ce risque avant d’avoir réglé sa situation.”


Le père de Fahim n’a pas chômé pour tenter de résoudre ce blocage. Il a récolté des lettres de soutien de la fédération, de l’école primaire de Fahim (aujourd’hui en 6e, il enchaîne les félicitations depuis son arrivée en France), de Laurent Cathala, député socialiste du Val-de-Marne… Nura Alam a même écrit à la ministre des Sports de l’époque, Chantal Jouanno, ainsi qu’à la secrétaire d’Etat à la Jeunesse et à la Vie associative, Jeannette Bougrab, en tentant de faire vibrer la corde de “l’immigration choisie”. La réponse à ces courriers est venue du service de l’asile du ministère de l’Intérieur et de l’Immigration, qui estime que sa “situation répond aux critères de délivrance d’un titre de séjour sur un autre fondement que l’asile”.


Depuis, avec l’aide de RESF (Réseau éducation sans frontières), Nura Alam tente d’obtenir un rendez-vous à la préfecture. La semaine prochaine, la fédération va révéler la nouvelle équipe de France. Fahim n’en fera pas partie. Jordi Lopez précise qu’une exception sera faite “pour ce gamin extraordinaire si la situation se décante avant les championnats d’Europe à Prague” (en août). Fahim a bien intégré les données du casse-tête administratif. Il souhaite simplement disputer les championnats internationaux pour lesquels il a gagné son ticket d’entrée mais pas son billet d’avion. “Ca me convient si j’ai juste un permis temporaire pour voyager pour les championnats à venir. Juste deux semaines, ça me convient.”

Geoffrey Le Guilcher


par Geoffrey Le Guilcher
le 28 avril 2012 à 09h10




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