29/06/2007

J'entends comme un bruit de bottes

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Nicolas Sarkozy embarrasse l'opposition en lui offrant un statut
LE MONDE | 27.06.07 | 14h32 • Mis à jour le 27.06.07 | 14h32

Encore une innovation. C'est collectivement que Nicolas Sarkozy a reçu, mardi 26 juin, les dirigeants des partis politiques représentés au Parlement : François Hollande (PS), François Bayrou (UDF), François Sauvadet (Nouveau Centre), Marie-George Buffet (PCF), Philippe de Villiers (MPF), Cécile Duflot (Verts), Patrick Devedjian et Jean-Pierre Raffarin (UMP). Il entendait ainsi les tenir informés des "acquis" du Conseil européen des 21 et 22 juin. Avant de se rendre à Bruxelles, le chef de l'Etat avait déjà convié les mêmes à l'Elysée, ainsi que Ségolène Royal, Laurent Fabius, Edouard Balladur et Jean-Marie Le Pen.
Le président de la République souhaite ainsi instaurer une nouvelle forme de "dialogue" avec l'opposition. Il n'est pas dit, cependant, que la tentative soit suivie d'autres rencontres de ce type. Joint par Le Monde, M. Hollande n'envisageait pas, en tout cas, de renouveler l'expérience à brève échéance. "J'ai répondu à cette invitation informelle, mais il doit être clair que, le lieu du débat, c'est le Parlement", estime le premier secrétaire du Parti socialiste.
Dans l'optique de M. Sarkozy, au contraire, l'institutionnalisation du "dialogue" direct constitue un point de passage vers une forme de présidentialisation du régime à laquelle il aspire. Il a, à plusieurs reprises, fait part de son souhait de pouvoir s'exprimer devant le Parlement, ce que la Constitution n'autorise pas en l'état, en raison de la séparation des pouvoirs exécutif et législatif.
M. Sarkozy n'en a cure. A défaut de pouvoir se rendre au Palais-Bourbon, il reçoit à l'Elysée. A M. Hollande qui l'avisait qu'il n'avait pas l'intention de se rendre "complice" de cette pratique du pouvoir, le président de la République a sèchement répliqué : "Je ne vous ai rien demandé. Je ne vous raconte pas ça pour savoir ce que vous en pensez."
"Ça", en l'occurrence ce qu'il a considéré comme "les acquis du traité simplifié", dont le chef de l'Etat a précisé les prochaines étapes. Profitant de l'occasion, M. Sarkozy a ainsi suggéré de réunir un seul Congrès à Versailles, en 2008, afin de procéder à la fois à la ratification du traité européen et de voter les modifications constitutionnelles nécessaires à une "modernisation de la vie politique".
Simple commodité, afin d'éviter la convocation répétée d'un Congrès qui nécessite à chaque fois une lourde infrastructure ? Pour M. Hollande comme pour M. Bayrou, c'est comme cela qu'il faut entendre les propos de M. Sarkozy : "Il n'a rien dit de plus", affirment-ils l'un et l'autre.
Cependant, l'idée de coupler les deux sujets pourrait éveiller le soupçon d'un possible "marchandage" entre les deux textes, la droite ne disposant pas automatiquement de la majorité des trois cinquièmes requise au Congrès. Selon l'Elysée, le chef de l'Etat devrait écrire dans les deux semaines aux responsables des partis politiques pour leur faire part de l'état de sa réflexion et les informer des "têtes de chapitre" de la réforme des institutions qu'il souhaite entreprendre et négocier : statut de l'opposition, nominations, expression du chef de l'Etat devant le Parlement, proportionnelle. Il inviterait ensuite responsables politiques et "experts" à en débattre
Parmi les principaux candidats à l'élection présidentielle, M. Sarkozy est celui dont les propositions dans ce domaine étaient les moins audacieuses. En imposant dans les faits un renforcement des prérogatives du président de la République, il ne peut cependant échapper à une réflexion sur le rééquilibrage des pouvoirs. A cet égard, le second tour des élections législatives a agi comme un avertissement, une partie de l'électorat ayant visiblement manifesté sa crainte d'une excessive concentration.
M. Sarkozy a souhaité donner un gage en appuyant fortement, malgré les réticences de sa majorité, la proposition formulée à l'origine par Ségolène Royal de laisser l'opposition présider la commission des finances. Comme il a semblé se rallier, également, à l'idée d'introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives.
Mais le fonctionnement et le rôle du Parlement ne sauraient s'y réduire. Certaines réformes nécessitent de simples adaptations du règlement, d'autres sont de nature constitutionnelle. Le nouveau président du groupe UMP, Jean-François Copé, avait pour sa part été chargé, après l'élection présidentielle, d'une mission de réflexion dont il doit rendre les conclusions début juillet. Favorable à un "statut de l'opposition", il prévient cependant que "cela doit être du donnant-donnant". "Un renforcement des pouvoirs de l'opposition suppose une opposition responsable", estime M. Copé.
Philippe Ridet et Patrick Roger
Article paru dans l'édition du 28.06.07.

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