Garde à vue, chronique de la France d'après?
Par Hubert Artus (Journaliste) 23H03 21/05/2007
Garde à Vue de Cristophe Mercier (Phébus, 32 pp. , 3 euros)
Quelques semaines avant les élections, un journaliste-écrivain subissait une garde à vue féroce. Paru avant élections, le récit "Garde à vue" qu’il en a tiré reste donc d’actualité dans "la France d’après".Normalien, agrégé de lettres, critique littéraire au Figaro, romancier (deux ouvrages chez Joëlle Losfeld), traducteur (de quelques merveilleux auteurs américains), disciple de Jean Anouilh et de l’académicien (et ancien militant royaliste à Action Française) Jacques Laurent, Christophe Mercier n’est pas le genre de type à prôner l’action directe, à faucher des OGM ou à organiser des conférences de presse armées et cagoulées.Et pourtant, dans un temps où l’actuel Président français habitait sur le trottoir d’en face, il a subi une garde à vue effarante. Les faits : un mardi de février, il accompagne de trois verres de bière son déjeuner avec deux amis éditeurs. Il reprend ensuite sa moto et roule dans Paris. Arrêté par la police alors qu'il roulait à 30 km/h, il est emmené au commissariat pour y subir le test de l’éthylomètre. Menotté, déshabillé, fouillé au corps, photographié, placé dans une cellule obscure puis dans la cellule de « dégrisement », il va vivre dix-neuf heures de garde à vue. Outre que l’éthylomètre a officialisé 0,7 g d’alcool dans le sang (le plafond autorisé est de 0,4), les policiers ont remarqué qu’il roulait sur la ligne de bus –ce que Mercier conteste. A aucun moment de sa garde à vue il ne pourra prévenir quiconque.L’intérêt de ce court récit est que Mercier, fort sagement, ne stigmatise ni la rudesse policière, ni les remarques moqueuses. Il n’y a d’ailleurs rien d’illégal ni d’impoli dans les agissements policiers. Seulement une application à la lettre, sans discernement, d’une politique qui ne semble viser qu’à l’humiliation du citoyen. Ce récit d’une trentaine de page est le témoignage heure par heure, surprise par surprise, d’un homme qui ne comprend pas la situation. C’est première infraction. Ce texte narre les faits, seulement les faits, et les impressions du gardé à vue. C’est en romancier que Mercier a tenu, tôt après les faits, à fixer ces faits sur papiers. Pour s’en extirper.Ce que pointe clairement ce récit, c’est la politique dont témoignent ces agissements : le culte du résultat et la restriction de l’espace de liberté. "Je savais que Nicolas Sarkozy était un ministre de l'Intérieur dangereux. J'en ai eu la confirmation", écrit Mercier. Le clou du livre, c’est une lettre de la mère de l’auteur, ancienne militante RPR et corrézienne de souche, à Nicolas Sarkozy et à Mme Chirac…Pour le lecteur, le livre rappelle que l’absurde arrive tous les jours, à ceci près qu’il occasionne dorénavant des gardes à vue bien plus longues (et le relevé des empreintes, fait nouveau pour ce genre de délit). Certes, les excès policiers ne datent pas d’hier. Certes, ils sont souvent plus durs quand ils ne se passent pas dans Paris-Centre et lorsqu’ils concernent des populations qui n’ont ni permis ni passeport.. Mais chaque trace compte, et celle de Mercier est à lire. La "France d’après" ne date, évidemment, pas d’hier.
1 commentaire:
Oui, mais pour un témoignage public, combien d'anonymes ?
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