Dans une pétition, huit historiens s'insurgent contre l'intitulé du portefeuille de Brice Hortefeux.
Par Catherine COROLLER
QUOTIDIEN : vendredi 22 juin 2007
Pas contents, l'historien Gérard Noiriel et ses amis de s'être fait traiter par Nicolas Sarkozy de «petite intelligentsia» (1) pour avoir osé critiquer la création d'un ministère dont l'intitulé associe «immigration» et «identité nationale» . En protestation contre ce qu'ils qualifient d' «acte fondateur de [la] présidence [Sarkozy]», qui revient, selon eux, à inscrire «l'immigration comme " problème " pour la France et les Français dans leur "être" même» , ces huit chercheurs avaient démissionné le 18 mai des instances dirigeantes du comité d'histoire de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (Libération du 19 mai). Aujourd'hui, ils publient, dans Libération, une pétition (lire ci-contre). «C'est la meilleure réponse que nous pouvions faire à Nicolas Sarkozy», explique Gérard Noiriel. Cent quatre-vingt-huit personnes l'ont déjà signée. Dont, souligne cet historien, «un certain nombre de gens qui ne s'engagent pas souvent comme les historiens au Collège de France, Jacques Le Goff ou Roger Chartier. Toutes les grandes institutions scientifiques françaises sont représentées , poursuit Noiriel, de même que les grandes universités des cinq continents, de Princeton à Tokyo en passant par Sydney, Oxford et Pékin. » Autre satisfaction : avoir obtenu la signature de François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, et de Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT. Pour Noiriel, le succès de cette pétition est dû à une «mobilisation des contre-pouvoirs mondiaux qui illustre la force des réseaux de la petite intelligentsia».
Démissionnaires. D'autres chercheurs se mobilisent. Les universitaires membres du réseau scientifique Terra (Travaux études et recherches sur les réfugiés et l'Asie) ont mis en ligne leur propre pétition (2) signée par près de 3 000 personnes. Et, le 27 juin, ils organisent avec des associations d'anthropologues, ethnologues et sociologues un forum-débat sur «l'instauration d'un ministère dit de "l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement". La création de ce ministère va enraciner plus encore dans notreculture politique l'opposition entre la question nationale et le fait migratoire , expliquent-ils. Il risque d'ouvrir une nouvelle page de notre histoire, celle d'un nationalisme d'Etat et d'une xénophobie de gouvernement tendant à stigmatiser l'étranger comme un problème, un risque, voire une menace pour l'intégrité ou l'identité nationale.» Les démissionnaires de la Cité de l'immigration soutiennent cette initiative. Ainsi que les associations comme la Ligue des droits de l'homme ou la Cimade qui avaient protesté lorsque Nicolas Sarkozy avait dévoilé, le 8 mars, sa décision de créer un «ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale» .
Naïfs. Du côté du ministère, on joue les naïfs. Le 29 mai, Brice Hortefeux avait reçu Gérard Noiriel et ses collègues après leur démission. «Puisque la discussion avait été nourrissante et intéressante, le ministre avait dit qu'on pourrait reprendre le dialogue après les vacances. Nous aimerions justement rentrer dans une véritable expertise de la définition de l'identité nationale», s'étonne Thierry Coudert, directeur de cabinet de Brice Hortefeux. Sauf que le concept d'identité nationale en lui-même ne pose pas problème aux yeux des universitaires, mais son association avec le terme d'immigration dans l'intitulé du ministère. Et ça, affirme Thierry Coudert, il n'est pas question de le modifier.
(1) Le 13 mars à Besançon
(2) terra.rezo.net
Upolin.org, le site qui relaie la pétition
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