Par Zineb Dryef (Rue89) 17H17 21/06/2007
L'ouverture des Etablissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) pourrait être une incitation à incarcérer plus.
L'EPM de Meyzieu, près de Lyon (Robert Pratta/Reuters)
Le premier établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) a ouvert, lundi 11 juin, à Lavaur, dans le Tarn. Prévus par la loi de programmation du 9 septembre 2002, ces nouveaux établissements laissent magistrats et spécialistes sceptiques. Rue89 fait le point sur ces prisons d’un nouveau genre.
Qu’est-ce qu’un EPM?
Les Etablissement pour mineurs ont vocation à accueillir les mineurs de 13 à 18 ans dans le but d’appliquer les décisions de justice et d’accompagner la réinsertion des jeunes détenus. Placés sous le contrôle de l’administration pénitentiaire, ces établissements sont des prisons. Les mineurs sont placés dans des cellules individuelles (60 par EPM). La mission affichée de ces prisons est également éducative. Des partenariats avec l’Education Nationale sont prévus.
A quoi servent-ils?
Avant 2002, les mineurs condamnés a des peines fermes étaient placés dans les quartiers pour mineurs des centres pénitentiaires pour adultes. Outre la surpopulation carcérale, les conditions d’incarcération des majeurs sont incompatibles avec celles des mineurs. Pour autant, ces quartiers pour mineurs ne vont pas disparaître.
Combien y a-t-il de mineurs dans les prisons françaises? Combien iront en EPM?
Il y a environ 400 places disponibles dans les sept EPM prévus, pour environ 730 mineurs actuellement détenus dans les prisons françaises. Ce qui pose le problème de leur affectation dans les EPM. L’OIP (Observatoire international des prisons) souligne d’ailleurs qu’aucun texte ne définit les critères d’affectation dans ces établissements. Les quartiers pour les filles mineures n’existant pas, la seule certitude concerne leur affectation en EPM. Elles ne seront séparées des garçons que la nuit, les EPM étant mixtes.
Combien ça coûte?
Le coût de ces nouveaux établissements s’élève à près de 90 millions d’euros, ce que dénonce les associations comme le Genepi: “Ce sont autant de moyens qui ne sont pas mis dans les centres ouverts, qui sont plus efficaces que la prison. Notamment en matière de récidive.”
Tous les mineurs délinquants vont-ils être envoyés dans les EPM?
Non. Les quartiers pour mineurs des prisons classiques ne seront pas tous fermés. Il existe également d’autres structures ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire. Les Centres éducatifs renforcés (CER) sont des structures éducatives prenant en charge les mineurs multirécidivistes. L’accent est mis sur l’éducatif. Les Centres éducatifs fermés, créés en 2002, sont une véritable alternative à la prison. Ils s’adressent aux mineurs multirécidivistes qui font l’objet d’une mesure de contrôle judiciaire ou de sursis avec mise à l’épreuve. C’est la dernière étape avant la case prison. Selon la définition donnée par l’Insee, le terme fermé “renvoie à la fermeture juridique définissant le placement, c'est-à-dire que tout manquement grave au réglement du centre est susceptible d'entraîner une détention”.
Pourquoi les EPM suscitent-ils la réserve dans les milieux juridiques et associatifs?
Outre l'appel d'air mis en avant par le Genepi et l’OIP, qui avance des études prouvant que plus il y a de places en prison, plus on incarcère, se pose la question des moyens. Le Genepi et plusieurs magistrats (voir l’interview de Serge Portelli) dénoncent les moyens mis dans les EPM au détriment des centres ouverts. Ce désequilibre risque de peser sur les décisions des juges en faveur du placement en EPM, plutôt qu’en milieu ouvert, les délais d’exécutions des peines étant plus lents dans ces centres manquant cruellement d’équipements et d’éducateurs. Autre élement qui inquiète: les EPM étant au nombre de sept, les mineurs détenus seront forcément éloignés de leur famille. Dans le Nord, l’ouverture de l’EPM de Quiévrechain (près de Lille) va entraîner la fermeture du quartier pour mineurs de la prison d’Amiens. L’OIP déplore cette nouvelle difficulté pour les familles de détenus et rappelle l’importance du lien entre les jeunes prisonniers et leurs familles. Enfin, dénonçant le tout répressif affiché par le gouvernement, notamment à travers le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, le Genepi souligne les résultats probants des CER: le taux de récidive y est de 10% seulement contre 60% pour les mineurs sortant de prison.
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