20/07/2007

Chirac, un grand fauve dans les griffes de la justice

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Première confrontation judiciaire. Et première tentative pour l’ancien président de la République d’établir sa vérité historique. Jacques Chirac a été entendu jeudi comme témoin assisté pendant quatre heures et demie dans le cadre de l’affaire dite des emplois fictifs du RPR. Trois autres dossiers sont également susceptibles de donner lieu, dans un premier temps au moins, à une audition. Les chargés de missions du maire de Paris, suspectés d’avoir été des emplois de complaisance, la gestion de la Société d’économie mixte parisienne de prestations (Sempap) structure chargée d’imprimer des documents municipaux dans laquelle des malversations auraient été commises. Enfin, à un degré moindre, Euralair, une compagnie aérienne qui, avant sa faillite, aurait gracieusement transporté les époux Chirac. La bataille pour la trace que laissera l’ancien président dans l’Histoire est engagée.


Quand un ancien président est entendu par la justice, c’est un peu la République qui vacille. Au-delà des frais de bouche, des HLM de Paris, de Clearstream et de l’affaire du juge Borel, le bouclier de l’immunité n’aura donc pas empêché Jacques Chirac, ce grand fauve de la politique, de tomber dans les griffes de l’institution judiciaire. Une première au goût amère même si, pour la première affaire aucune charge n’a été retenue contre le citoyen Chirac. Au-delà du fond du problème, c’est bien la morale publique et le sentiment que les hommes politiques peuvent, sans aucune crainte, sans avoir à rendre compte, se servir sur la bête.


On aura beau jeu de parler d’acharnement à l’encontre de Jacques Chirac, mais ses démêlés judiciaires doivent être appréciés à l’aune des décisions de justice parfois sévères rendues à l’encontre de justiciables ordinaires pour des faits a priori moins graves. Comme le relève Dominique Gerbaud dans La Croix, “le plus important, ce n’est sûrement pas de faire condamner un ancien président pour l’exemple. C’est que le juge puisse conduire en toute indépendance l’instruction pour que les Français gardent confiance dans la justice. C’est aussi que les hommes et femmes politiques tirent les leçons de ces procès. C’est-à-dire qu’ils ne se croient pas tout permis lorsqu’ils sont au plus haut niveau du pouvoir. Qu’ils se souviennent que la politique est d’abord un service.”


En condamnant Alain Juppé à 14 mois de prison avec sursis alors qu’aucune incrimination directe ne figurait dans son dossier d’instruction, le tribunal de Nanterre avait tenu à signifier à l’ancien Premier ministre que la société était en droit d’attendre de ses plus hauts responsables politiques qu’ils respectent les lois qu’ils votent eux-mêmes. Le jugement avait été confirmé en 2004 par la Cour d’appel de Versailles qui l’avait assorti d’un an d’inéligibilité. Jacques Chirac peut-il déroger à cette règle ?


Au moins, il tente. Depuis son départ de l’Elysée, il savait que cette audition par un juge était inévitable et qu’elle interviendrait très vite. Elle donc été très soigneusement préparée. Dans une tribune publiée par Le Monde daté de vendredi 20 juillet envoyée au quotidien jeudi à 7 h 30, rendant ainsi impossible techniquement l’insertion de commentaires, Jacques Chirac a étalé dans la presse sa ligne de défense au moment même où se déroulait son audition. Il invoque dans le texte, les “tâtonnements” qui ont marqué la mise en place de règles claires et transparentes concernant le financement des partis politiques. “De tout cela, je suis prêt à témoigner et à répondre, témoigner devant l’opinion, répondre devant les juges. Dans les deux cas je le ferai en conscience”, écrit-il notamment.


Sa ligne de défense est basique. “Je n’étais pas au courant. Je ne m’en suis pas occupé... Le cadre légal en matière de financement n’était pas le même”. Un peu trop simple. Jacques Chirac a beau contester l’existence d’un système organisé et insister sur le fait que la loi a évolué, il reste que ce qui lui est aujourd’hui reproché était illégal à l’époque. C’est bien ce qui avait valu à Alain Juppé sa condamnation.


La retraite de Jacques Chirac ne s’annonce pas comme un long fleuve tranquille. Mauvais présage, ses anciens amis se détournent déjà précautionneusement de lui. On peut difficilement soutenir Chirac et être dans les petits papiers de Nicolas Sarkozy.

par Henry Moreigne

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