LEMONDE.FR | 05.07.07 | 19h05 • Mis à jour le 05.07.07 | 19h29
Depuis janvier 2007, quatre étrangers gravement malades ont été expulsés du territoire français malgré l'avis défavorable des médecins de l'administration. Ceux-ci indiquaient que leur état de santé nécessitait des soins en France. Sans thérapie, ces malades pourraient être condamnés à une mort imminente. Ces expulsions ont indigné les associations de défense des étrangers.
Pour contrecarrer le durcissement de la politique du gouvernement sur l'immigration, des associations réunies au sein de l'Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), avaient, en avril 2007, énergiquement tiré la sonnette d'alarme. Dans une pétition, elles dénonçaient notamment la mise en ligne sur l'intranet des ministères de l'intérieur et de la santé de fiches d'information concernant l'offre de soins et de traitements disponibles dans les pays d'origines des étrangers malades demandant leur régularisation pour raisons médicales.
Ces fiches-pays ont été élaborées par la direction de la population et des migrations (DPM) – dépendant du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement – sur la base d'informations provenant des ambassades de France dans les pays concernés, et aussi d'éléments semble-t-il issus de sites Internet.
INEXACTITUDES ET RACCOURCIS TROMPEURS
Mais ces fiches ne tiennent pas compte de la bonne répartition géographique des établissements délivrant ces traitements. Il suffit de la présence du traitement thérapeutique dans la capitale ou une grande ville du pays concerné pour justifier l'expulsion d'un malade. Or pour Nathalie Hénocq, de la Cimade (Comité intermouvement auprès des évacués), la bonne répartition géographique des traitements "constitue bien un des critères déterminants retenus par la loi [du 11 mai 1998], qui prévoit la régularisation pour raisons médicales d'étrangers gravement malades". Ces fiches-pays autorisent "une lecture plus que caricaturale de la loi sur la régularisation pour raison médicale, d'autant que la jurisprudence stipule que l'administration n'a pas à se soucier du coût des traitements", conclut-elle. En clair, si un traitement existe dans le pays d'origine du malade, on peut l'y renvoyer sans se préoccuper de savoir s'il pourra s'y soigner.
En mars , le Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique (Smisp) émettait, lui aussi, les "plus grandes réserves concernant ces fiches", dont certaines comportent "des inexactitudes ou des raccourcis trompeurs". Dubitatif quant à la fiabilité des "informations issues de sites officiels comme l'OMS et des sites commerciaux", le Smisp décidait de ne pas "cautionner" leur mise en ligne, appelant ses collègues "à la plus grande vigilance quant à leur utilisation" ; d'autant que certains de ces documents, comme celui relatif à la Côte d'Ivoire, lui apparaissaient comme "d'ores et déjà obsolètes".
SIMPLEMENT UNE "AIDE À LA DÉCISION"
Un autre élément suscite l'inquiétude des associations membres de l'Observatoire. Aujourd'hui, le médecin inspecteur doit motiver son avis auprès du préfet en l'informant sur l'offre médicale du pays en question, donc sur la maladie à traiter. Pour Antonin Sopéda, du Comité médical pour les exilés (Comede), "cette mesure remet en question l'indépendance des médecins et viole le secret médical". "Pour coller aux exigences du gouvernement en matière d'expulsion, le préfet peut désormais se servir de ces fiches-pays, alors qu'il n'a pas de compétences médicales, et ne pas tenir compte de l'avis du médecin inspecteur", précise-t-il.
Interpellés par les associations, les ministres de l'intérieur et de la santé, François Baroin et Philippe Bas, jouaient l'apaisement en mai 2007. Ils répondaient aux pétitionnaires que la loi de 1998 protégeant le droit à la santé des étrangers en France n'avait pas été "modifiée", et que les fiches-pays visées "relevaient simplement de l'aide à la décision" des médecins chargés de rendre des avis pour les demandes de régularisation de sans-papiers vivant en France.
Aujourd'hui, les services de communication du ministère de l'intérieur informent que la question de ces fiches relève du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Joint au téléphone, ce dernier fait savoir qu'il ne s'est pas encore saisi de ce dossier, ses services ayant été mobilisés par l'élaboration du texte sur la maîtrise de l'immigration, l'intégration et l'asile, présenté le 4 juillet au conseil des ministres.
En attendant, sur l'intranet des ministères de l'intérieur et de la santé, des informations médicales douteuses circulent toujours, augmentant le risque d'envoyer à la mort des malades qui auraient pu être soignés en France.
Karim El Hadj
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