Combien de conseillers dans le cabinet de l'Elysée qui entoure le Président ?
Il y en avait 58 sous Chirac. Sous Sarko, ce chiffre est «secret-défense».
Selon certains témoignages, il aurait même doublé. Enquête.
« Gouverner autrement ». C'était le credo du candidat Sarkozy, chaud partisan d'un gouvernement ramassé. D'un gouvernement peut-être, mais le cabinet de l'Elysée est tout sauf « ramassé». Chut, le nombre de conseillers de l'Elysée est classé « secret défense ».
Normalement, les citoyens seraient en droit de connaître le nombre de collaborateurs du Président, le budget sur lequel ils émargent, etc. Mais pour cette « transparence » tant louée dans les discours, l'Elysée verra plus tard. Les journalistes du Figaro en savent quelque chose, eux qui se sont pris dans les dents un démenti «informel » de l'Elysée pour avoir osé écrire, dans un article publié le 2 juin dernier, que le nouveau Président comptait la bagatelle de 65 conseillers quand son prédécesseur se contentait de 48, 58 avec l'Etat-major. La vérité officielle sera bientôt libellée dans le Point. Alors que le Figaro avait osé parler d'une équipe « étoffée », l'hebdomadaire de Franz-Olivier Giesbert remet les pendules à l'heure : Sa Sérénissime « déteste travailler avec un grand nombre de gens ». Et de donner la liste officielle des conseillers : onze, comme une équipe de foot…. Circulez, il n'y a rien à voir, nous a dit en substance l'excellent Franck Louvrier, Maître es communication du Président.
Alors, forcément, cela donne envie d'aller voir, justement. Et quand on va voir, on s'aperçoit vite de la confusion entretenue autour du cabinet. L'évaluation du Figaro – 65 conseillers - est sans doute inférieure à la réalité. D'abord, elle a été faite avant l'arrivée d'autres conseillers, comme Dominique Paillé par exemple. Ensuite, la fréquentation du « Château » donne des signes multiples de ce qu'il est « plein comme un œuf ». Citons en vrac l'importance des pôles (8 conseillers à l'économie, 5 au social contre quatre au total pour ces deux domaines sous Chirac) ; l'étoffement de la cellule Afrique ; les plaintes des 44 chauffeurs sollicités pour ramener les conseillers à leur domicile ; l'installation rue de l'Elysée du conseiller culturel Georges Marc Benamou après qu'il ait clamé partout qu'il avait l'un des bureaux les plus proches du Président ; le fait que l'on doit « enjamber » le cagibi de Catherine Pégard, conseiller en communication, pour accéder au bureau d'Henri Guaino, responsable de la machine à discours. Bref, selon un habitué de la maison, Sarkozy a au moins doublé le nombre de conseillers. Les journalistes accrédités à l'Elysée ont remarqué l'étrange discrétion qui entoure le cabinet.
Aucun nom ne figure sur le site de l'Elysée, et lundi 17 septembre encore, les attachés de presse se plaignaient de ne pouvoir répondre aux questions des journalistes à ce sujet. En épluchant le Journal Officiel, on découvre que 48 conseillers y ont été nommés par décret. Mais il faut y ajouter les membres de la cellule diplomatique et l'Etat-major (12 personnes au total), ainsi que les conseillers « officieux », que tout un chacun évoque dans le petit monde de l'Elysée. Ainsi la seule Cécilia Sarkozy est-elle entourée de trois personnes (une attachée de presse et deux conseillers), qui ne figurent pas dans la liste du JO. Et il faudrait encore savoir si les 48 conseillers comprennent les six qui oeuvrent au fameux Conseil national de sécurité, calqué sur l'administration américaine et placé sous la coupe de Jean-David Levitte. Mais il y a plus préoccupant : la puissance du feu du cabinet de l'Elysée. Nicolas Sarkozy n'a pas fait embaucher ces dizaines de conseillers par plaisir.
Il s'est simplement donné les moyens de centraliser le pouvoir, quitte à marginaliser les dizaines de conseillers techniques de Matignon et encore davantage les conseillers « d'en bas », ceux qui travaillent dans de modestes ministères. Le triangle Elysée-Matignon-ministères, qui permettait de confronter les points de vue et de bien peaufiner la « ligne », n'existe plus.
On le voit bien en politique étrangère par exemple, où toutes les décisions ne se prennent plus qu'à l'Elysée, qui devient le référent unique au Quai d'Orsay. On le constate également dans les Conseils interministériels : jusqu'alors, les arbitrages s'effectuaient sous le patronage de l'Elysée. Aujourd'hui, les conseillers élyséens sont présent à ces réunions.
Cette centralisation ne s'accompagne pas, cependant, d'un réajustement par le bas des effectifs dans les ministères : ainsi le cabinet Kouchner est-il beaucoup plus important que celui de Philippe Douste-Blazy, pourtant peu connu pour son sens de l'économie, et surtout que celui d'Hubert Védrine.
A côté de cette volonté politique de faire de l'Elysée le centre de l'exécutif, on peut voir également se transformer le rôle des conseillers eux-mêmes. Forts discrets sous Jacques Chirac, et avant lui sous François Mitterrand, les conseillers sarkoziens sont au contraire des communicants. Deux d'entre eux étaient à Grenoble au Forum de Libération pour débattre avec des opposants de gauche. Parfois, des conseillers « descendent » bruyamment en province, ce qui leur permet d'intervenir dans la presse locale, et de communiquer tous azimuts en tant « qu'émissaires du Château ». Le « monarque éclairé » doit aussi être un « monarque éclairant » pour le bon peuple….
Marianne
A.B., Ph.C., S.L. (avec Grégory Onillon)
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