Que pensez-vous de la mise en place, par le gouvernement, d'une liste des métiers, pour choisir les travailleurs immigrés ?IMMIGRATION CHOISIE
Le Nouvel Observateur 29/10/07
Violaine Carrère,
chargée d'étude au GISTI
- Je tiens, de prime abord, à préciser que cette liste, dévoilée par le quotidien Libération, dans son édition du lundi 29 octobre, reste, pour l'instant, une information officieuse. Et même s'il n'y pas eu de démenti de la part du cabinet de Brice Hortefeux (ministre de l'Immigration et de l'Identité Nationale), il ne s'agit que de documents préparatoires.
Du reste, nous ne sommes pas étonnés, car la mise en place d'une telle liste avait été annoncée par la loi "Hortefeux" sur l'immigration, qui vient d'être adoptée, et sur laquelle le Conseil Constitutionnel doit bientôt se prononcer. Nicolas Sarkozy, clame déjà depuis plusieurs mois qu'il compte choisir une immigration de travail.
Il s'attache à la distinguer cette dernière de l'immigration familiale, ce qui nous paraît plutôt discutable, puisque, de fait, nombre de personnes, qui sont arrivées en France, en raison de leurs liens familiaux - les conjoints de Français, d'une part, ou les membres de la famille d'un ressortissant étranger, d'autre part - travaillent en France. De même qu'une très grande majorité de sans-papiers. Cela prouve que notre économie a besoin d'eux.
Plus avant, on peut dire que cette liste des métiers a été élaborée à partir d'outils qui posent question. En effet, en 2004, alors que la droite était déjà au pouvoir, le monopole de l'ANPE sur le recueil de l'offre d'emploi a été supprimé par la loi de "cohésion sociale" -les employeurs n'étant, dès lors, plus obligés de déposer leurs offres à l'ANPE. Or, la définition des "secteurs en tension" (propos d'un membre du cabinet de Brice Hortefeux), telle qu'elle figure dans la liste, n'est autre que le fruit d'une comparaison entre offres et demandes, au regard des chiffres de l'ANPE.
Et comme, dans les faits, de nombreux employeurs ne passent plus par l'ANPE, la liste ne peut évidemment pas prendre en compte l'état réel du marché du travail : on est en plein cirque !
Reste une chose capitale : si l'on veut ouvrir, aux étrangers, la possibilité de travailler d'une manière régulière dans notre économie, il serait d'abord plus logique de régulariser les sans-papiers qui se trouvent déjà sur notre territoire.
La loi Hortefeux sur l'immigration a prévu la possibilité, pour les travailleurs sans-papiers qui résident déjà sur le territoire français, de demander, sous certaines conditions (promesse d'embauche), leur régularisation.
Quelles sont, selon vous, leurs véritables chances de régularisation ?
- Pour l'instant, on est dans l'expectative. Ce que l'on peut toutefois constater, c'est qu'il s'agit bien, au terme de la loi, d'une autorisation "exceptionnelle". Ce sera donc nécessairement discrétionnaire, et variable d'une préfecture à l'autre. On peut, en outre, se demander pourquoi on ne changerait pas plutôt la réglementation, afin de régulariser de plein droit ceux qui sont déjà en France, parfois même depuis des années, et qui, de fait, occupent des emplois "en tension".
Si le véritable souhait de Nicolas Sarkozy est d'encourager l'immigration de travail, ce serait la première mesure logique à prendre. Au lieu de cela, l'on assiste à un distinguo subtil – à moins qu'il ne soit plutôt grossier -, entre les ressortissants issus des pays non européens, pour qui on organise le pillage des cerveaux, et ceux, ressortissants des nouveaux états membres, à qui l'on réserve les emplois peu qualifiés.
Or, on sait bien, au regard des expériences du passé, ou même contemporaines, que cela ne fonctionne pas. L'Allemagne avait, par exemple, souhaité faire venir des informaticiens d'Inde. Cette grande campagne ciblée s'est soldée par un échec cuisant.
Les flux migratoires obéissent à d'autres logiques, que cet utilitarisme migratoire que d'aucuns essayent de mettre en place.
Lors de sa récente visite au Maroc, Nicolas Sarkozy a réaffirmé que son "horizon est de faire passer l'immigration professionnelle de 7% à 50% des personnes qui s'installent durablement en France". Qu'en pensez-vous ?
- On est devant une manipulation flagrante des chiffres. A quoi correspondent ces 7% d'immigration professionnelle? D'où sort ce chiffre?
Cela correspond à l'immigration "choisie", telle que définie par Nicolas Sarkozy, et qu'il oppose au concept d'immigration "subie", sans d'ailleurs jamais préciser ce que c'est.
Il s'agit surtout de l'immigration que la France ne peut refuser, car elle relève de textes internationaux, qu'elle a signée, et qui régissent l'immigration familiale, par exemple, mais aussi le droit d'asile. Notons, à ce propos, que les demandeurs d'asile travaillent eux aussi, et, très souvent, de manière dissimulée.
En réalité, cette notion d'immigration professionnelle ne sert qu'à désigner une catégorie de migrants sur laquelle on peut exercer une pression aigüe.
L'idée, c'est que toute immigration est en général de travail : la majorité des immigrés travaille.
Derrière cette notion d'immigration professionnelle, se cache, en fait, la volonté de contrôler la pérennité du séjour, qui est calquée sur la durée des besoins pour notre économie.
C'est cela que nous, à l'UCIJ (le collectif Uni(e)s Contre une Immigration Jetable), appelons l'"immigré jetable".
Et ce n'est rien d'autre qu'une forme moderne d'esclavage.
Interview de Violaine Carrère, par François Miguet
(Le lundi 29 octobre 2007)
4 commentaires:
Proposer un emploi à des gens qui souhaitent s'établir en France est un système gagnant / gagnant. Cela éviter de laisse croire à des personnes qu'elles rejoignent un eldorado alors qu'elles trouvent en fait que la précarité extrême à tous niveau.
Et crois-tu que c'est normal de selectionner des gens selon qu'ils aient telle ou telle "spécialité"!?
Ca s'appelle de la discrémination! Si un jour tu décides de t'installer à l'étranger et que ce pays te dise qu'il ne veut pas de toi parce que tu n'as pas le bon métier, tu verras peut-etre les choses autrement! Ah oui, il faut que ça te touche personnellement pour que tu sois choqué:toi:"Anonyme"
Réctification : discrImination et j'avais oublié : vous faites chier avec votre slogan gagnant/gagnant!
Il n'y a pas de gagnant dans ce système!
ouais! Aurélie vas-y !! :-)
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