02/12/2007

Le saviez-vous ?

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Après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis se sont rendu compte que l’Europe aussi comptait des minorités ethniques et religieuses, et qu’il était important de les connaître. L’ambassade américaine s’y emploie.
Le mercredi 7 novembre, au moment où Nicolas ­Sarkozy s’adressait au Congrès à Washington, Dan Fried, directeur des Affaires européennes au département d’Etat, recevait des acteurs de la “diversité” française dans la bibliothèque d’apparat de l’ambassade des Etats-Unis à Paris. Dan Fried, qui le matin même était encore à Bakou, prend place au centre et s’exprimera en anglais. “Il n’y a pas de questions difficiles, il n’y a que des réponses difficiles”, dit-il pour encourager ses interlocuteurs à ne pas le ménager, si toutefois l’envie prenait certains de “casser du Ricain”.
Les Etats-Unis s’intéressent de près aux banlieues
COURRIER INTERNATIONAL

Si tu ne peux combattre ton ennemi, embrasse-le
La “diversité” recouvre une réalité : celle d’une “deuxième” France, d’un pays émergent à l’intérieur de la République, qui aspire aux mêmes ­tâches, devoirs, labeurs, honneurs et responsabilités que le commun des Français de plus vieille souche. C’est cette France en devenir, qui intéresse les Etats-Unis autant qu’elle les inquiète, que Dan Fried est venu rencontrer ce soir.

Les attentats du 11 septembre 2001 ayant été conçus et préparés en Allemagne, les Américains ont grand besoin de mieux connaître les “musulmans” d’Europe. Si tu ne peux le combattre, embrasse ton ennemi. “Il est de notre intérêt que les choses se passent bien ici. Nous voulons aider les Français à trouver une voie paisible pour leurs minorités”, confiera plus tard James L. Bullock, ministre conseiller aux ­Affaires publiques de l’ambassade des Etats-Unis. Face au directeur des Affaires européennes, la diversité était représentée ce soir-là par Ali Laïdi, spécialiste du renseignement économique et du terrorisme islamique à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), Saïd Branine, responsable du site Internet musulman oumma.com, Hervé Mbouguen, également animateur d’un site web, grioo.com, dédié aux Noirs, Fayçal Douhane, délégué national du Parti socialiste, chargé des questions de diversité – et c’est tout sauf facile au PS –, et un membre du Bondy Blog, média en ligne fondé par L’Hebdo à l’époque des violences urbaines de 2005. A l’origine de cette rencontre, il y a un programme confié par la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice à Dan Fried lors de sa prise en main des affaires européennes, en mai 2005. Ce plan consiste à développer des liens étroits avec les minorités musulmanes en Europe.

Depuis, chaque ambassade américaine sur le Vieux Continent compte au moins un collaborateur dévolu à cette mission. La France, avec ses 4 millions à 5 millions d’habitants de culture musulmane, avec sa propension à l’universalité mais aussi ses frustrations identitaires, forme un cas à part, vu de Washington. Un lait sur le feu qui menace constamment de déborder. L’attention n’en est que plus grande.
Cet été, Farah Pandit, une musulmane, adjointe de Dan Fried au département d’Etat, était venue constater de ses yeux à quoi ressemblait le fameux département de Seine-Saint-Denis, le 93. Elle y avait passé un après-midi avec le Bondy Blog. “Les Etats-Unis sont parfois mal vus à l’étranger, mais il faut convenir que mon pays et les pays d’Europe présentent des similitudes en termes de sociétés multiethniques, déclare Dan Fried. Les Etats-Unis ne prétendent pas être une nation de WASP [White Anglo-Saxon Protestants], mais une nation de plus en plus multiethnique et multiconfessionnelle. […] Il faut savoir que, chez nous, les communautés musulmanes sont plutôt bien intégrées.”
L’ambassade des Etats-Unis à Paris n’a pas attendu les émeutes de 2005 pour approcher les minorités françaises. Les déjeuners Rive gauche avec la France bien née, ça commençait à bien faire. Il y a trois ans et demi, le cap a été mis sur la banlieue, avec l’envie de “comprendre” – le 11 septembre est passé par Hambourg, il pourrait repasser par le 93. Après les attentats, Ali Laïdi se souvient d’avoir été contacté par deux membres de l’ambassade américaine en France. “Ils souhaitaient que je les mette en relation avec des associations de banlieue, rapporte-t-il. Je me suis aperçu que l’un d’eux était un ex-agent de la CIA. J’ai coupé les liens.”

“Il ne faut pas y voir de l’ingérence de notre part”

Laura Berg ne s’occupe pas de renseignements mais de culture. Elle dispose d’un budget annuel, dont la somme exacte est confidentielle, qu’elle alloue à des projets culturels ou sociaux menés dans les banlieues françaises. Au su, précise-t-elle, des autorités du pays. “Il ne faut pas y voir de l’ingérence de notre part.” L’ambassade a ainsi apporté un soutien financier au festival Blues sur Seine de Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines. La veille de son entretien avec L’Hebdo, Laura Berg se trouvait dans la cité du Val-Fourré. Elle préfère taire les noms des associations aidées par les Etats-Unis, certaines œuvrant au dialogue judéo-musulman. De l’argent américain, ça peut rapidement délégitimer une cause si la chose vient à se savoir.

“J’ai été institutrice au Kenya, raconte l’attachée culturelle. Un jour, j’ai donné un ­Snickers à une petite fille. Ses camarades l’ont battue.”

L’Amérique ne se contente pas d’aller dans les banlieues françaises. Elle convie aussi des acteurs de la diversité à se rendre chez elle. En trois ans, une cinquantaine d’entre eux ont eu droit à cette forme de reconnaissance, invités par le département d’Etat. Cette année, Fayçal Douhane, Amirouche Laïdi, le président du Club Averroès, qui milite pour la diversité dans les médias, et Stéphane Pocrain, ex-porte-parole des Verts, s’y sont rendus. Ali Laïdi, le frère d’Amirouche, en revient. En avril 2008, Mohamed Hamidi, du Bondy Blog, et Karim Zéribi, politicien et responsable associatif marseillais, y effectueront un voyage de trois semaines. De même que Patrick Lozès, le président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), un groupe de pression mis en relation avec son grand frère américain, le NAACP, grâce aux bons soins de l’ambassade américaine à Paris.
“Les Etats-Unis ont une avance considérable en matière de représentation des minorités de couleur, mais aussi sexuelles, à tous les échelons de la vie politique et économique, relève Patrick Lozès. La France ne peut que prendre exemple. Par ailleurs, il est évident que les Américains ont des visées économiques chez nous, auprès des Noirs notamment. Savez-vous, simple anecdote mais révélatrice, que, si je me coupe en me rasant, je ne dispose pas en France de pansement correspondant à la couleur noire de ma peau. Les entreprises américaines, elles, ont pensé à ça.”
Antoine Menusier
L'Hebdo

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