15/10/2008

Albanel met la pression sur les programmes de France Télévisions

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Une ultime réunion de concertation s'est déroulée, lundi, rue de Valois, dans le bureau de Christine Albanel, en présence de Patrick de Carolis, le président de France Télévisions, accompagné de Patrice Duhamel, son numéro deux. Une entrevue un peu tendue, au cours de laquelle la ministre, sans se départir de sa courtoisie, a redit fermement qu'elle attendait du tandem dirigeant France Télévisions des engagements plus précis en matière de programmes, toute chose à laquelle renâcle spontanément un patron de l'audiovisuel public quel qu'il soit.






Une ultime réunion de concertation s'est déroulée, lundi, rue de Valois, dans le bureau de Christine Albanel, en présence de Patrick de Carolis, le président de France Télévisions, accompagné de Patrice Duhamel, son numéro deux. Une entrevue un peu tendue, au cours de laquelle la ministre, sans se départir de sa courtoisie, a redit fermement qu'elle attendait du tandem dirigeant France Télévisions des engagements plus précis en matière de programmes, toute chose à laquelle renâcle spontanément un patron de l'audiovisuel public quel qu'il soit.

Patrick de Carolis n'a pas dérogé à la règle. Son premier réflexe a été de se formaliser contre cette "ingérence" de l'État dans les programmes. Il a proposé douze engagements "nets et précis, pour une télévision publique vraiment différente". Il a même rédigé une lettre en ce sens à l'attention de Nicolas Sarkozy, au bas de laquelle il a ajouté, à la main, qu'il se tenait "à sa disposition". lepoint.fr est en mesure de détailler ces douze engagements qui prendront effet au 5 janvier prochain, lorsque la loi audiovisuelle entrera en vigueur.

1. Les programmes débuteront vers 20 h 35 pour offrir au public des deuxième et troisième parties de soirée à des horaires accessibles.

2. Chaque jour, un programme à vocation culturelle en première partie de soirée sur l'une des chaînes publiques. Christine Albanel a obtenu que soit précisée l'expression un peu fourre-tout de "programmes à vocation culturelle" dans laquelle, il faut bien le reconnaître, on peut faire entrer un régiment d'infanterie qui joue de la grosse caisse...

3. Tous les genres du spectacle vivant (opéra, théâtre, danse, festivals, concerts, événements...) auront leur place sur les antennes publiques, avec un effort particulier pour la chanson française. La ministre de la Culture a insisté pour qu'une émission dédiée à la chanson tricolore ait sa place en première partie de soirée. D'un commun accord avec Carolis et Duhamel, il a été décidé qu'une pièce de théâtre serait diffusée une fois par mois sur F2 ou F3.

4. Des émissions de connaissances et de décryptage sur la science, le développement durable et l'histoire en première partie de soirée deviendront régulières. Par exemple : L'émission hebdomaire Science X des frères Bogdanof (à l'antenne le 25 octobre) ou Incroyables expériences , programmée le 11 octobre à 20 h 50 et dont le succès fut encourageant. Christine Albanel a dit qu'elle se montrerait attentive au nombre et à la périodicité des émissions de vulgarisation scientifique à l'avenir.

5. France Télévisions s'engage à diffuser les événements sportifs du patrimoine national (Le Tour de France, Roland-Garros, la Coupe de France, la Coupe de la Ligue) ainsi que les JO, le Tournoi des VI nations, sans oublier un large éventail de disciplines sportives chaque semaine. La ministre est toutefois consciente de l'inflation des droits sportifs... France Télévisions ne pourra guère surenchérir à l'excès. Le CIO exige, par exemple, une hausse de 40 % de ses droits TV pour les JO 2016... Que faire ?

6. Les programmes seront à 70 % d'origine européenne, dont 50 % d'origine française.

7. France Télévisions s'engage à rester le premier acteur de la fiction française en proposant des téléfilms contemporains, audacieux et innovants, ainsi que de grandes adaptations du patrimoine littéraire français et européen. France Télévisions s'inscrit de manière exemplaire dans cette démarche avec la récente signature d'un accord avec les producteurs. Pour la période 2009-2012, le service public consacrera progressivement de 18,5 à 20 % de son chiffre d'affaires à la création.

8. Pour les enfants, une offre large de programmes d'animation ainsi que des émissions qui les aident à grandir et à se construire, en fonction des rythmes scolaires. Christine Albanel a expressément demandé des émissions éducatives le samedi matin, d'autant que les enfants n'ont plus école.

9. Côté cinéma , France Télévisions diffusera un mininum de 420 films, dont 200 en prime time.

10. Le soutien au documentaire, notamment en première partie de soirée, avec un minimum de 700 heures coproduites par an.

11. Des journaux et des magazines de débats nombreux. Sans s'ingérer dans les lignes éditoriales, la ministre a demandé que les JT accordent plus de place à l'actualité européenne.

12. France Télévisions s'engage à ne jamais diffuser de télé-réalité, et plus généralement toute émission dégradante ou attentatoire à la dignité humaine. C'est une reprise du cahier des charges précédent qui va de soi.

À la lecture de ces engagements, le quidam est en droit de se demander ce qui va réellement changer car, si l'on regarde bien les grilles de France Télévisions, tout y est déjà. Simplement, ça ne se voit pas toujours, car les bons programmes sont dilués sur 5 antennes. C'est dans l'air sur France 5 mériterait d'occuper la case identique sur France 2, la chaîne leader. Dommage que Nicolas Sarkozy ait refusé de se poser la question du nombre de chaînes publiques, qui oblige le groupe à saupoudrer ses budgets au lieu de les concentrer sur des programmes forts et bien dotés.

Au ministère de la culture, on se veut strict et précis sur ces engagements. "Il ne s'agit pas pour nous de dicter les programmes, ceux-ci restent l'affaire des professionnels de la télé, assure un conseiller de la ministre. Mais il nous revient la responsabilité, en tant qu'actionnaire, d'en fixer les grandes orientations, afin que l'argent public soit intelligemment dépensé au service de tous les publics." Le ton de la ministre indiquait clairement que pour Carolis, il n'était plus question d'en discuter.

"Service maximum" ou "60 millions de clochards"

La conversation a roulé sur les nouveautés de la rentrée sur France 2. La ministre de la Culture a admis qu'il fallait laisser du temps au Café littéraire de Daniel Picouly pour s'installer mais que, dans quelque trois ou quatre mois, si la formule n'a pas d'ici là trouvé son public, il faudrait "s'interroger".

Le cas de Julien Courbet, l'animateur de Service maxium , n'a pas été évoqué au cours de cette réunion, mais Christine Albanel avait déjà eu l'occasion d'exprimer ses forts doutes aux dirigeants de France Télévisions. "On ne peut pas faire une émission qui s'adresse au public comme s'il existait 60 millions de clochards en France", glisse-t-on dans les couloirs de la rue de Valois. "Service maximum, c'est le meilleur des poubelles des meilleurs restaurants", entend-on encore à la Culture. C'est Julien Courbet qui va être content. S'il avait su qu'en quittant TF1...


source:Le Point.fr

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