Lettre adressée au maire de Paris et au directeur du Musée d’Art moderne de la ville de Paris par l’Observatoire
Paris, Le 5 Octobre 2010
Monsieur le Maire, Monsieur le directeur du Musée d’art moderne de la Ville de Paris,
Vous avez pris, au prétexte que la loi aurait changé en 2007, ce qui est faux pour le sujet qui nous préoccupe, une décision bien regrettable. En interdisant l’exposition de Larry Clark aux moins de 18 ans, alors que ses photographies ont déjà été montrées à la Maison Européenne de la Photographie il y a trois ans, et alors que, depuis, rien n’a changé dans la loi, contrairement à ce que vous affirmez, pour les expositions, vous adressez un signal régressif et rétrograde, non seulement au monde de l’art, mais au public, ce peuple que vous prétendez protéger.
Doit-on vous rappeler, Monsieur le Maire, que votre parti a voté cette loi largement défendue par les députés socialistes, non en 2007, mais en 1994 ? Que cette loi que vous prétendez découvrir aujourd’hui, Monsieur le Directeur, l’Observatoire de la liberté de création la dénonce comme liberticide depuis des années dès lors qu’elle permet la poursuite pénale des oeuvres de l’esprit ? Ces fameux articles 227-23 et 224-24 ont permis la plainte de la Mouette contre l’exposition Présumé Innocent dès 2000, mais faut-il vous rappeler que cette procédure unanimement critiquée a abouti pour l’instant à un non lieu ? Et qu’aucune procédure contre les oeuvres fondées sur ces articles, grâce au fait que nos juges se révèlent jusqu’à ce jour des défenseurs, eux, de la liberté de création, et du droit du public à accéder aux oeuvres, n’a finalement abouti ?
En interdisant l’exposition de Larry Clark aux moins de 18 ans, que prétendez vous faire ? Donner raison à cette loi que vous prétendez dénoncer ? Faire mieux que la Mouette qui prétend protéger les enfants, que l’Agrif qui prétend protéger les catholiques, ou que Promouvoir qui défend l’identité française ?
Ces articles de loi que vous appliquez aujourd’hui aveuglément constituent en délit la diffusion à des mineurs de messages pornographiques. Ainsi, vous osez désigner comme pornographiques des images qui représentent la sexualité de jeunes gens, commettant un contresens sur les oeuvres que vous avez pourtant décidé de montrer.
En ravalant Larry Clark au rang de vulgaire pornographe, vous desservez l’artiste que vous exposez, et déniez au public le droit de se faire sa propre opinion sur les oeuvres. Plus précisément, vous excluez les adolescents de toute possibilité d’approche de photographies qui explorent des territoires, souvent difficiles, qui les concernent directement. Vous jugez en lieu et place des citoyens, ce qui est l’attitude contestable de tous les censeurs.
Cette loi que vous utilisez comme prétexte est une loi pénale : vous l’avez transformée, ce qui est le rêve de tous les réactionnaires, en loi de censure préalable. Permettez-nous de vous rappeler que les poursuites pénales contre l’exposition Présumés Innocents à Bordeaux n’ont pas empêché son bon déroulement, et que cette exposition a eu lieu sans censure du maire Alain Juppé.
Vous venez donc de commettre, Monsieur le Maire, Monsieur le directeur du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, une double faute politique : censurer, et travestir la réalité pour vous justifier.
Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.
Bien Cordialement.
Agnès Tricoire
Déléguée de l'Observatoire de la Création
Membres de l'Observatoire:
Membre de l'Observatoire
Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion (ACID)
Association Internationale des Critiques d’Art (AICA-FRANCE)
Fédération des Réseaux et Associations d’Artistes Plasticiens (FRAAP)
Fédération des Professionnels de l'Art Contemporain (CIPAC)
Réalisateurs de films de fiction de télévision (GROUPE 25 IMAGES)
Ligue des droits de l'Homme (LDH)
Ligue de l'Enseignement (LE)
Société des Gens de Lettre (SGDL)
Société des Réalisateurs de Films (SRF)
Syndicat Français des Artistes interprètes (SFA)
Syndicat des Artistes Plasticiens (SNAP-CGT)
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