01/09/2011

Affaire Bettencourt : les services secrets ont espionné un journaliste

Partager
.Source Le Monde.

L'affaire de l'atteinte au secret des sources du Monde dans le traitement du dossier Bettencourt prend désormais la dimension d'une affaire d'Etat. Contrairement aux affirmations officielles et répétées de l'exécutif, la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) – le contre-espionnage français – a bien procédé à l'examen des appels téléphoniques passés par notre collaborateur Gérard Davet, entre le 12 et le 16 juillet 2010, afin de tenter d'identifier ses sources. Ce faisant, les services secrets ont, sur ordre, violé la loi sur le secret des sources pour tenter de colmater les fuites du dossier Bettencourt.

La juge d'instruction parisienne Sylvia Zimmermann, chargée depuis le 13 mai d'une information judiciaire après le dépôt de deux plaintes conjointes du Monde et de Gérard Davet, avait délivré le 21 juin une commission rogatoire aux gendarmes de la section de recherches de Paris. Elle leur demandait d'obtenir en urgence auprès d'Orange les réquisitions qui avaient été adressées en juillet 2010 à l'opérateur téléphonique par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). La demande de la juge a été effectuée en urgence car il existait un risque de dépérissement des preuves – le délai de conservation des facturations détaillées (fadettes) des particuliers par les opérateurs téléphoniques n'excéde pas un an. Le parquet de Paris, initialement saisi d'une enquête préliminaire, n'avait pas jugé bon d'effectuer cette demande.
Les enquêteurs ont pu rapidement obtenir deux télécopies, classées "confidentiel", adressées par le contre-espionnage à Orange. Elles sont toutes les deux signées par le commissionnaire divisionnaire Stéphane Tijardovic, en poste à la DCRI. La première d'entre elles, datée du 19 juillet 2011, réclame les factures téléphoniques détaillées liées au téléphone portable de Gérard Davet. La DCRI, dirigée par Bernard Squarcini, un policier réputé très proche de Nicolas Sarkozy, souhaitait alors obtenir le détail des communications téléphoniques passées par notre collaborateur, entre le 12 et le 16 juillet 2010. Ces réquisitions ont ainsi été ordonnées juste après la révélation par Le Monde, dans son édition datée du 18-19 juillet, du contenu des déclarations à la police de Patrice de Maistre, l'homme de confiance de Liliane Bettencourt. Le gestionnaire de fortune y mettait en difficulté Eric Woerth, ministre du travail de Nicolas Sarkozy. L'Elysée s'était ému de ces "fuites" dans la presse.
DAVID SÉNAT DÉMIS DE SES FONCTIONS
La DCRI possède alors les factures téléphoniques détaillées de Gérard Davet contenant le numéro de tous ses correspondants, l'heure de tous ses appels entrants et sortants et leur géo-localisation. Ce n'est que dans un deuxième temps, que les services policiers formulent une seconde demande à Orange, le 21 juillet, en réclamant la liste des appels passés par David Sénat, conseiller technique de l'ancien garde des sceaux Michèle Alliot-Marie. Ce dernier, sur la foi des premières expertises techniques, est suspecté d'être la "source" du Monde. Ses fadettes sont examinées, du 12 au 19 juillet 2010. Dans la foulée, il est démis de ses fonctions et sommé de quitter la chancellerie.
Les données désormais en possession de la juge contredisent donc clairement la thèse que le pouvoir n'a cessé d'affirmer sans cette affaire. Elles montrent que les autorités se sont d'abord procuré des informations confidentielles sur un journaliste, en toute illégalité, avant de s'intéresser à sa source éventuelle. Et non l'inverse comme elles l'ont toujours soutenu.
Le Monde avait révélé l'affaire, à l'automne 2010, assurant, à l'issue d'une enquête fouillée, que l'Elysée avait donné l'ordre de mettre fin aux fuites dans l'affaire Bettencourt. Le pouvoir avait immédiatement nié toute investigation technique sur le téléphone portable de Gérard Davet, qui constitue une violation flagrante de la loi sur le secret des sources datant du 4 janvier 2010. "La DCRI, ce n'est pas la Stasi, avait dit à l'Assemblée nationale le ministre de l'intérieur Brice Hortefeux, jeudi 4 novembre. L'objectif de la DCRI, ce n'est pas de suivre des journalistes." Il avait complété son propos : "son rôle [la DCRI], ce n'est pas de tracasser les journalistes".
Nathalie Kosciusko-Morizet, alors secrétaire d'Etat à l'économie numérique, avait parlé sur Radio J, s'agissant d'éventuelles surveillances de journalistes, "d'un vieux fantasme français" relayé par "les médias". Bernard Squarcini, interrogé par le JDD, avait nié s'être intéressé aux journalistes : "les seuls journalistes qui m'intéressent sont ceux qui fricotent avec les services étrangers", avait-il déclaré.
Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale, avait, lui, évoqué dans un communiqué du 13 septembre 2010 "une brève et ponctuelle vérification technique" sur le portable de M. Sénat. Jusqu'au chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy qui, questionné le 16 novembre 2010 par des journalistes sur la possibilité que les services de police aient pu violer la loi sur le secret des sources, avait répondu : "non, je ne l'imagine pas, je ne le crois pas…" Les investigations de la juge Zimmermann viennent contredire la version défendue par le pouvoir. La magistrate devrait maintenant tenter de remonter jusqu'aux donneurs d'ordres.
Fabrice Lhommeun article propulsé par TORAPAMAVOA :
http://torapamavoa.blogspot.com Clikez LIRE LA SUITE ci dessous pour lire la suite de l'article...^^

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire