17/02/2013

Cette prof de gauche qui écrivait des discours pour Nicolas Sarkozy

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Cette prof de gauche qui écrivait des discours pour Nicolas Sarkozy
Elle est de gauche et, de 2009 à 2012, elle lui a écrit ses discours techniques. Marie de Gandt, prof à Bordeaux 3, livre un portrait pudique et subtil de Nicolas Sarkozy et du pouvoir politique.



Marie de Gandt est prof de lettres à Bordeaux 3. (photo Emmanuel Robert-Espalieu)
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Elle est jeune (37 ans), de gauche, jolie, intelligente, prof de lettres à Bordeaux 3 et ex-plume de Nicolas Sarkozy à l'Élysée de 2009 à 2012. Marie de Gandt est une « déclassée », au sens où Jean-François Bizot (le fondateur d'« Actuel » et de Radio Nova) l'entendait. Grands-parents bourgeois cathos, parents militants libertaires, en résumé soixante-huitards.

Tout au long de ce livre, elle s'interroge sur le pouvoir et sur elle-même. Sans parti pris. « Pour moi, enfant, les gens de droite étaient tous mauvais. Je les ai trouvés très peu sectaires », reconnaît-elle. À l'inverse, en apprenant sa nomination auprès de Sarko, ses collègues universitaires lui ont montré un visage peu avenant… La dualité ne quitte pas la professeur de littérature comparée.

L'ami Laurent Wauquiez

Jeunes, ses parents enseignants ont tourné le dos à l'appartement cossu qui les attendait avenue de La Bourdonnais, au pied de la tour Eiffel. Ils ont fait le choix d'une bicoque à Ivry-sur-Seine. Préférant se fondre dans la banlieue et l'alphabétisation des petits Maliens plutôt que dans le moule. À l'époque, la bohème fuit encore l'embourgeoisement.

Marie de Gandt est issue de cette croisée de mondes. Sur les bancs de Normale Sup, elle s'est liée d'amitié avec un certain Laurent Wauquiez. C'est lui qui a poussé sa plume vers la droite.

Car Marie est boulimique, curieuse. Elle veut comprendre les ressorts de la politique. Ne possède-t-elle pas le profil idéal de la plume ? Normalienne, 25-35 ans… Les cabinets ministériels se les disputent, les promeuvent, les essorent. Mais attention, pas question pour elle d'abandonner son boulot d'enseignante. La dualité, toujours.

Elle commence tout en douceur chez Dominique Bussereau, secrétaire d'État aux Transports. Un soir où elle travaille tard devant un « discours qui s'enlise », elle entend du bruit dans son bureau. Et découvre le ministre, haletant et tout rouge. « Il porte à la main un petit arrosoir doré. Le soir, quand sa journée est finie, le ministre arrose amoureusement ses plantes », raconte-t-elle dans ce livre inclassable.

Qui n'a rien d'un livre d'anecdotes. Dans ce nouveau genre qu'est la « littérature de quinquennat », Marie de Gandt fait entendre une musique réparatrice. Elle tire le regard vers le haut quand d'ex-courtisans balancent leur venin une fois la fête finie. « J'ai fait en sorte qu'ils gardent leur vie », dit-elle de Dominique Bussereau, Xavier Bertrand et Hervé Morin, pour qui elle a travaillé avant d'être recrutée par l'Élysée.

Car elle est douée. Entre Henri Guaino, « the » plume, et le chef de cabinet, il manque un talent pour les allocutions de décorations, les discours diplomatiques, militaires, économiques (G20-G8), etc. Une plume d'ouverture, brillante…

Acérée mais tendre

« Je n'ai pas dit à Claude Guéant que j'étais de gauche lorsqu'il m'a fait venir dans son bureau de secrétaire général. J'avais trop peur de ne pas avoir le job. J'ai menti par omission », regrette-elle aujourd'hui. Pas une fois elle ne prononce le nom de Nicolas Sarkozy dans cette subtile narration de son compagnonnage avec le « PR ». On ne désigne qu'ainsi le président de la République dans les couloirs du palais de l'Élysée.

Le PR qui prononce Roland Barthez au lieu de Roland Barthes. Le PR dont elle nourrit les discours de ses mots, de ses idées, de « sa bien-pensance », comme va vite le pointer le « cabinet ». Le PR dont elle fait sienne la scansion hachée pour mieux lui adapter ses phrases…

Le livre de Marie de Gandt en apprend beaucoup plus sur la politique et sur Nicolas Sarkozy que bien d'autres. « Je n'ai jamais été une proche, mais je me dis qu'il valait mieux que certaines lignes qu'il préconisait à la fin. Comme s'il n'avait pas eu confiance », regrette celle qui n'a pas voulu le suivre en campagne. Elle était venue servir le PR, pas le candidat.

« À L'Élysée, au gouvernement comme avec ses proches, il triangule pour faire sa ligne. Ce refus de l'enfermement le met à l'abri du dogmatisme, mais il contamine l'ensemble de la société de son antagonisme », décrit-elle dans le livre. Un portrait de plume. À la fois tendre et acérée.

« Sous la plume. Petite exploration du pouvoir politique », par Marie de Gandt. Éd. Robert Laffont, 285 p., 19 €.

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