12/10/2007

Ma cité va parler

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Les cités ne sont pas habitées que par de jeunes rebelles. Elles ont une mémoire, et une histoire. Mehdi Ahoudig, documentariste pour Arteradio.com, entre autres, a eu la brillante idée de retourner dans la cité où il a grandi, à Garges (Val-d’Oise). Pour y retrouver d’anciens copains de collège et des acteurs de la cité d’aujourd’hui : responsables d’associations, éducateurs, voire anciens voisins. Son documentaire, Ma cité va parler, est un petit bijou de quarante-neuf minutes, en ligne depuis hier. Qui parle de sa cité. Mais qui bat en brèche nombre d’idées reçues sur la banlieue et sur les habitants de ces lieux.Paroles de cité à écouter
L'Humanité
Tout commence par la longue sonnerie qui précède la fermeture des portes du RER D. Un monsieur - prévient Mehdi Ahoudig : la cité, il va la trouver changée. Normal, après quinze ans d’absence. Une porte qui s’ouvre, et Amar, son copain d’adolescence, ouvre les vannes de la parole. Mehdi Ahoudig, comme la plupart de ses interlocuteurs, a environ trente-cinq ans. « L’idée de ce documentaire est née au moment des émeutes de 2005 », explique le - documentariste. « À Arteradio.com, on se posait la question de les traiter. Mais comment ? » Petit à petit, l’idée de retourner sur des lieux qu’il connaît, Garges et Mantes-la-Jolie, naît chez le réalisateur. Mais autour de lui, ses connaissances lui renvoient une cruelle vérité : « Les médias viennent toujours quand ça brûle. » D’où une vision déformée de la réalité des banlieues et de ses habitants. « J’écoutais beaucoup les informations, en 2005. On y voyait et on y entendait un moment de révolte. Avec des gens qui criaient tout le temps, sur tout et n’importe quoi. Et je me suis dit alors : mais pourquoi n’entendre les cités qu’à travers ces cris et cette colère ? » C’est une rencontre fortuite à Belleville avec Amar, un ancien condisciple de collège, qui lui donne l’idée de revenir à Garges. Amar, personnage central du documentaire, habite toujours Garges, a ouvert à Mehdi Ahoudig les portes de son ancienne cité, retrouvé de vieux copains, comme Djamel. Rencontre qui permet de recueillir une parole d’adulte, une parole mesurée, calme, réfléchie, sur cette cité. La parole principale est donc celle de cette bande de garçons, d’environ trente-cinq ans, qui refont l’histoire de la cité. « Ce sont des garçons, car je voulais faire jouer un effet miroir. Je peux m’identifier sur telle ou telle question à n’importe lequel de mes interlocuteurs. C’était plus difficile de réaliser cette identification avec une femme », sourit Medhi Ahoudig. Qui a réussi le pari de revoir l’histoire de la cité, de son peuplement, des difficultés avec l’héroïne dans les années quatre-vingt, de l’évolution du rapport à la religion musulmane… En filigrane, Medhi Ahoudig dresse le portrait implacable de Français « à qui l’on a toujours besoin de coller une étiquette pour les définir, que ce soit "beur", ou "de la xième génération". À qui on a mis ce pipeau de double culture dans la tête, ceux qui viennent des anciennes colonies, quoi ». Et au final, son portrait sensible de la cité de Garges vaut n’importe quelle cité de France et de Navarre. À écouter absolument.

Caroline Constant




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